Les blessures invisibles causées par les engins explosifs improvisés

L’ancien chef militaire du mouvement taleb afghan, le mollah Baradar, arrêté en 2010, appelait à planter des « fleurs » le long des routes de l’Afghanistan, c’est à dire des engins explosifs improvisés (IED), qui sont en fait des bombes artisanales pouvant être déclenché à distance au passage d’un convoi de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF), sous commandement de l’Otan.

De fait, ces IED sont responsables de la majorité des tués et des blessés de la coalition internationale déployée en Afghanistan. Ces bombes causent deux types de blessures : celles que l’on voit et qui se traduisent pour le militaire touché par une amputation et celles qui sont invisibles, les dégâts sur l’organisme se manifestant plus tardivement.

Du moins, c’est ce qu’affirme une étude transdisciplinaire de la faculté de médecine de l’université de Boston qui s’est penchée sur les effets des IED sur les soldats qui y ont été exposés lors d’une mission en Afghanistan.

Ainsi, des chercheurs américains et britanniques ont établi un lien l’exposition à la déflagration d’une bombe artisanale et une maladie dégénérative du cerveau, en l’occurrence une encéphalopathie traumatique chronique, semblable à celle qui a pu être diagnostiquée chez des joueurs professionnels de football américain, victimes de commotions cérébrales à répétition.

Les symptômes de l’encéphalopathie traumatique chronique, qui a été décelée chez des militaires américains après l’analyse d’échantillons de tissu cervical, peuvent se traduire par des pertes de mémoires, des pensées suicidaires ou encore par de l’irritabilité.

Et cette maladie est loin d’être anodine car, selon Patric Stanton, le directeur du Neural Systems Laboratory de New York, qui a fait partie de cette équipe de chercheurs, 3 soldats sur 4 chez qui une encéphalopathie traumatique chronique a été détectée sont aujourd’hui décédés. Selon ce scientifique, une seule exposition aux effets d’un IED suffit pour développer cette maladie.

« Nos expériences en laboratoire montrent que l’exposition au souffle peut produire à la fois des dommages structurels et fonctionnels qui peuvent être de longue durée et avoir des effets sur le développement cognitif, la mémoire, l’humeur et peut-être sur les troubles de stress post-traumatique », a-t-il déclaré.

« Nous devons maintenant identifier les événements neurochimiques qui produisent ces dommages, et de lancer une recherche rationnelle de traitements pour atténuer les effets dévastateurs de cette maladie sur la vie de nos anciens combattants » a-t-il ajouté.

D’après ces chercheurs, le souffle de l’explosion d’un IED peut atteindre les 530 km/h, ce qui compresse plusieurs fois le cerveau d’une personne qui y est exposée. Les scientifiques ont reproduit cet effet sur des souris et toutes ont ensuite montré des signes encéphalopathie traumatique chronique deux semaines après.

Il est estimé qu’environ 5% des militaires déployés en Afghanistan entre 2009 et 2011 ont été exposés à la déflagration d’un IED. Selon le colonel Rakesh Jetly, un psychiatre des Forces canadiennes, 6,4% des militaires envoyés sur le théâtre aghan ont souffert de traumatismes cérébraux., ce qui a justifié la création d’un groupe spécial en charge des conséquences que cela a pu produire.

Pour la France, il est difficile d’avoir des chiffres. A l’occasion d’un déplacement du chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Guillaud, en Afghanistan, l’on a appris que 700 militaires français ont été blessés sur ce théâtre.

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