Un gendarme contraint de choisir entre ses responsabilités associatives et son métier

Le 14 avril dernier, le major Bernard Cordoba, affecté à la brigade de gendarmerie de Libourne, a été élu vice-président de l’association « Gendarmes et Citoyens », régie par la loi du 1er juillet 1901.

La mission que s’est donnée cette structure, créée en 2008, est de « de faciliter l’expression et l’information des gendarmes et des citoyens sur la situation et le fonctionnement des forces de sécurité et de défense, en vue de renforcer la compréhension et les liens entre les citoyens et les agents de la force publique qu’ils entretiennent pour l’intérêt de tous, conformément aux principes posés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen ».

Pour cela, cette association a notamment mis un forum en ligne sur Internet et entend « publier toutes études, analyses et réflexions utiles en vue de la transparence, l’efficacité, la qualité du service public de sécurité au bénéfice de tous les citoyens », le tout en fonction d’une ligne éditoriale qui se veut « indépendante et apolitique ».

Seulement, au moment de sa création, il avait été demandé à 8 militaires de la gendarmerie encore en exercice de démissionner de cette association qui alors prétendant « participer à la défense matérielle et morale des gendarmes ». Parmi eux se trouvait le commandant Jean-Hugues Matelly, qui, plus tard, sera radié des cadres pour avoir manqué à son devoir de réserve, avant d’être finalement réintégré, le Conseil d’Etat ayant annulé, chose rarissime, la sanction qui avait été prise à son égard, estimant que d’autres mesures moins radicales auraient été suffisantes.

Quoi qu’il en soit, le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) de l’époque, le général Parayre, avait motivé sa décision en faisant valoir que l’association « Gendarmes et Citoyens » était en fait un « groupement professionnel à caractère syndical ».

Or, l’article 6 du Statut Général des Militaires indique que « l’existence de groupements professionnels militaires à caractère syndical ainsi que l’adhésion des militaires en activité de service à des groupements professionnels sont incompatibles avec les règles de la discipline militaire ». Et d’ajouter : « Il appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés et de rendre compte, par la voie hiérarchique, de tout problème de caractère général qui parviendrait à sa connaissance ».

Depuis, l’association a revu ses statuts sans pour autant que cela ait permis de lever toute ambiguïté. En effet, l’élection du major Cordoba au bureau de cette dernière a été fort peu goûté par sa hiérarchie, laquelle lui a notifié une suspension immédiate s’il ne démissionnait pas de ses nouvelles responsabilités associatives. A un an de la retraite, le sous-officier a choisi de garder son poste.

Cette affaire a bien évidemment fait réagir l’association « Gendarmes et Citoyens », qui n’a pas hésité à parler de « voies de fait ». « Nous pouvons constater que les gendarmes ne sont pas des citoyens à part entière et qu’ils sont victimes d’une discrimination évidente puisqu’ils oeuvrent pour la sécurité aux côtés de policiers syndiqués sous la coupe d’un même ministre de l’Intérieur » a-t-elle estimé, dans un communiqué.

Cela étant, il y a sans doute une contradiction à se dire attaché au statut militaire de la gendarmerie tout en réclamant des droits proches à ceux accordés aux policiers, qui n’ont pas les mêmes contraintes en matière de droit d’expression, étant donné qu’ils ont la possibilité d’adhérer à un syndicat professionnel. Aussi, l’association étend ses revendications à l’ensemble des soldats professionnels.

« Qu’il s’agisse de s’exprimer à titre individuel sur des sujets professionnels ou d’extérioriser des préoccupations catégorielles par l’intermédiaire de structures collectives, les militaires français demeurent privés de certains modes traditionnels d’expression » fait-elle ainsi valoir. « Alors que le débat d’idées et la défense des intérêts professionnels ont pris une place tout à fait prépondérante, le militaire professionnel demeure ainsi soumis à des dispositions héritées d’une République méfiante envers ses soldats et soucieuse de s’assurer de leur parfaite docilité » a-t-elle ajouté.

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