Dans l’intimité des militaires français en Afghanistan

« Les citoyens français reconnaissent les armées mais ne connaissent pas les soldats » estime le reporter Nicolas Mingasson. Et l’on serait même tenté d’ajouter que ce constat vaut aussi pour les opérations extérieures menées par les militaires français, à commencer par celle qui a débuté en 2001 en Afghanistan.

D’où le livre que vient de publier Nicolas Mingasson aux éditions Acropole, avec le titre « Afghanistan : La guerre inconnue des soldats français« . Ce n’est pas le premier ouvrage portant sur ce sujet de ce reporter étant donné qu’il a déjà coécrit, l’an passé, le « Journal d’un soldat français en Afghanistan » avec le sergent Christophe Tran Van Can, du 21e Régiment d’Infanterie de Marine (RIMa) de Fréjus, unité qui a armé le Groupement tactique interarmes (GTIA) Hermes, déployé dans la province de Kapisa au cours de l’été 2010.

En immersion au sein du groupe 42 de la 4e section de la 2e compagnie de ce régiment, Nicolas Mingasson a donc pu partager la vie des marsouins avant et après leur engagement en Afghanistan. Et son témoignage est d’autant plus précieux qu’il a été le seul reporter autorisé à suivre les forces françaises en Kapisa à cette époque.

Le dernier livre de Nicolas Mingasson, illustré par 250 photographies, est par conséquent intéressant à plus d’un titre. Car il permet de faire découvrir au lecteur la réalité du quotidien des militaires français déployés dans un secteur où le danger est permanent mais aussi de toucher du doigt l’extraordinaire complexité de la société afghane.

Par exemple, au sujet des « maleks », les chefs de village. Extrait : « Quel jeu jouent-ils aujourd’hui en ayant fait le choix de collaborer avec la coalition. Coopérent-ils réellement ou cachent-ils quelques secrets? Comment le savoir… Les vallées sont petites, le tissu social est extrêmement dense, et tout le monde est le cousin de quelqu’un. Au sein des mêmes familles, les opinions divergent, et des amis ou des cousins ayant grandi ensemble se retrouvent aujourd’hui fâchés à mort. Mais comme dans toutes les guerres civiles, et peut-être encore plus encore en Afghanistan où la famille est d’une importance capitale, ses frères ennemis se retrouvent parfois à l’occasion, lors d’un enterrement par exemple. Quelques mois après son retour, un soldat me montrait une vidéo incroyable, dans laquelle les chefs locaux, y compris des insurgés, priaient ensemble devant le corps d’un soldat taliban. Ce jour-là, la famille primait sur le reste ».

Par ailleurs, Nicolas Mingasson décrit quelques opérations dans lesquelles les marsouins ont été engagés à un rythme soutenu, les techniques de combat, les doutes de certains, l’excitation ressentie après un premier TIC (Troop in Contact). Et cela met en avant les valeurs qui animent ces hommes. Comme la notion de « frère d’armes », illustrée par l’attitude du lieutenant Mezzasalma, mort au combat le 23 août 2010.

« Comme tous ses camarades, le jeune caporal Panezyck reste accroupi quelques instants avant de s’élancer, puis court à grandes enjambées (…) Mais Panezyck ne rejoindra par l’autre rive. Il s’écroule au bout de quelques mètres, fauché par un tir précis » raconte Nicolas Mingasson.

« Quelques secondes plus tard, le lieutenant Mezzasalma s’élance au secours de Panezyck alors que tout autour de lui, les hommes ouvrent le feu en direction de la zone d’où proviennent les tirs. C’est un acte de courage insensé qui touche à ce qu’il y a de plus sacré entre tous les soldats : être capable de donner sa vie pour les autres. Touché à son tour, alors qu’il rejoint le corps de Panezyck, il se bat jusqu’au dernier souffle, tirant ses dernières balles avec son arme de poing » écrit le reporter.

Enfin, Nicolas Mingasson aborde également la question de « l’après », et des difficultés que peuvent rencontrer des soldats à l’issue d’un engagement aussi intense et difficile. « Ils doivent réapprendre, presque sans préavis, à se couler dans le moule trop étroit de la vie régimentaire » explique-t-il. Pour que cette transition se passe le mieux possible, « les compagnies sont entièrement remaniées, les groupes et les sections dissous » afin de « tourner la page de l’Afghanistan et obliger les hommes à repartir de l’avant ».

Certains n’arrivent pas à surmonter cette difficulté. « Au sein de la compagnie, un soldat n’attendra pas plus de quelques semaines pour déchirer son contrat » raconte le reporter. « Sans nulle part où aller, sans logement car il vivait au régiment, ce soldat s’est retrouvé à dormir dans sa voiture, dans les environs de Fréjus ». Fort heureusement, ce type de cas est relativement rare. L’immense majorité des marsouis de la compagnie qu’a suivie Nicolas Mingasson a « su gérer ces difficultés ». « Ils sont jeunes et portent désormais au fond d’eux l’expérience unique de la guerre. Ce qui n’en fait pas pour autant des héros ni des hommes extraordinaires, mais simplement des garçons différents » conclut-il.

Références : « Afghanistan : La guerre inconnue des soldats français« , par Nicolas Mingasson, Editions Acropole – 192 pages, 21 euros.

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