L’armée française accusée de ne pas avoir porté secours à des migrants en Méditerranée

Suite au rapport établi au nom de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) par l’élue néerlandaise Tineke Strik au sujet de la mort de 63 migrants sur les 74 partis de Tripoli en mars 2011 à bord d’une embarcation légère pour fuir les combats en Libye, une plainte contre X a été déposée auprès du Tribunal de Grande Instance de Paris pour « non assistance à personne en danger » par plusieurs organisations non gouvernementales, dont le Groupe français d’information et de soutien des travailleurs immigrés (Gisti).

En fait, cette plainte vise surtout l’armée française, plus précisément la Marine nationale, laquelle est ainsi accusée de n’avoir rien fait pour porter secours à ces migrants qui, le moteur de leur embarcation étant tombé en panne, ont dérivé en Méditerranée avant de s’échouer sur les côtes libyennes.

« La connaissance par les militaires français du bateau en péril est avérée » indique le texte de cette plainte, déposée au nom de 4 des 11 rescapés. Pour étayer cette affirmation, il y est écrit qu’un avion de patrouille français a survolé l’embarcation – alors qu’elle n’était pas en difficulté – et pris un cliché qui aurait été ensuite transmis aux garde-côtes italiens.

Le rapport de l’APCE évoque également l’existence de cette photographie mais selon Tineke Strik, les autorités françaises n’ont donné aucune précision concernant le type de l’appareil en question.

Quoi qu’il en soit, c’est en appelant, via un téléphone satellitaire, un prêtre installé à Rome que le centre de coordination des secours (MRCC) italien a été informé des difficultés rencontrées par les migrants. Ces derniers ont par la suite été survolés par un hélicoptère militaire, qui, portant l’inscription « Army », leur a largué des vivres et de l’eau.

« Il est probable mais pas certain, que l’appel de détresse et l’intervention de l’hélicoptère aient été liés » nuance le rapport de l’APCE, qui évoque la présence, près de la zone où était située l’embarcation en détresse, d’une frégate espagnole, le Mendez Nunez, et de deux navires de guerre italiens, les ITS Borsini et Etna, ce dernier se trouvant alors le plus loin, ainsi que des bateaux civils.

En outre, les survivants ont affirmé avoir croisé, au 10ème jour de leur périple, un « très grand navire militaire – peut-être un porte-avions ou tout au moins, un vaisseau équipé d’installations pour hélicoptères, avec des hélicoptères et peut-être aussi des avions de chasse ». Et selon le compte rendu qui a été reproduit par le rapport de Tineke Strik, « le navire était de couleur blanc cassé ou gris clair, et assez proche pour y distinguer à bord des personnes portant des uniformes militaires de différentes couleurs ». Seulement, ce bâtiment n’a pas pu être identifié.

D’où les soupçons du Gisti et des autres ONG à l’égard de la marine française, qui étaient alors très présente en Méditerranée pour mener des opérations militaires en Libye.

« Les militaires français ont sillonné et survolé la Méditerranée de façon permanente et ce, à compter de la mi-mars 2011. En effet, les forces militaires françaises furent associées à l’opération ‘Unified Protector’ à compter du 23 mars 2011; leur participation fut réalisée dans le cadre de l’opération dite ‘Harmattan’,donc sous mandat français, à compter du 19 mars 2011. » fait valoir le texte de la plainte, qui, chose assez surprenante toutefois, précise que le Commandant suprêmet allié transformation « était un militaire français, Stéphane Abrial ». Pourquoi le nom de l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’Air est-il cité? Mystère…

En attendant, le ministère de la Défense, par la voix de son porte-parole, Gérard Gachet, a rejeté catégoriquement cette accusation, estimant même qu’elle est « totalement infondée », notamment au regard, justement, du rapport de l’APCE. « Celui-ci ne met à aucun moment en cause la France. Et, comme l’a écrit le ministre Gérard Longuet à son auteur, aucun bâtiment français n’opérait à ce moment-là dans la zone concernée » a-t-il expliqué.

Et le fait est, les navires français déployés en Méditerranée dans le cadre de l’opération Harmattan avaient pris position dans le golfe de Syrte. Et pour une raison évidente de sécurité, le porte-avions Charles de Gaulle, cité par un article du quotidien The Guardian pour être le bâtiment imposant vu par les naufragés, et son escorte, naviguaient à 150 milles nautiques des côtes libyennes.

Pour autant, selon Me Maugendre, l’avocat qui a rédigé le texte de la plainte (dans laquelle on apprend que des Mirage 2000D ont opéré depuis le Charles de Gaulle!), cela n’exonère en rien l’armée française. « Quel que soit le lieu où se trouvaient les bateaux, ou les avions ou les sous-marins français qui avaient connaissance de cet appel de détresse, le fait de ne pas avoir dévié sa route pour aller porter secours à ces personnes-là, c’est une non assistance à personne en danger » a-t-il déclaré à la presse.

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