Elections 2012 : Passe d’armes sur la défense antimissile

Même si elle en a été ponctuellement question au cours de ces dernières semaines, la politique de défense n’est que très peu évoqué par les candidats de prochaine élection présidentielle, à l’issue de laquelle, pourtant, sera désigné le « chef des armées ».

D’une manière générale, les affaires militaires font l’objet d’un consensus. Ainsi, les principaux prétendants à l’Elysée ont réaffirmé leur attachement à la dissuasion nucléaire, qui est en quelque sorte l’alpha et l’omega de la politique française.

Toutefois, la campagne 2012 nous aura réservé une suprise avec l’apparition dans le débat du concept de défense antimissile. Invité de la chaîne de télévition i>Télé, le candidat socialiste, François Hollande, qui a par ailleurs abordé à plusieurs reprises les questions de défense au cours de ces dernières semaines, s’est dit, le 10 avril, « réticent à l’égard de cette évolution », qui a été décidée à l’occasion du sommet de l’Otan de Lisbonne, en novembre 2010.

Et cela, pour deux raisons. « La première, c’est que nous n’avons aucune possibilité de participer industriellement à cette affaire et, deuxièmement, ça met en cause l’idée même de dissuasion » a-t-il expliqué, tout en indiquant, par ailleurs, qu’il ne réduirait pas le nombre de SNLE de la Force océanique stratégique car « il y en a quatre et ils sont utiles, chacun pour ce qui le concerne puisque c’est une rotation ».

Seulement, l’UMP, qui a organisé, le 11 avril, et quasiment à la surprise générale une série de débats sur la défense au sein des ses fédérations départementales, n’a pas manqué de réagir aux propos de François Hollande via un communiqué signé par Gérard Longuet, le ministre de la Défense.

« Nier la capacité des industriels français à participer au bouclier antimissile de l’Otan, c »est méconnaître que la France a des briques à apporter au système de l’Alliance, c’est nier l’expertise français en matière d’interception (ndlr, avec le SAMP-T, encore appelé Mamba) et dans le domaine de l’alerte avancée (dont le programme Spirale) qui ouvrent la voie à des coopérations substantielles » a fait valoir Gérard Longuet.

« François Hollande se trompe encore lorsqu’il indique que le bouclier anti-missile met en cause l’idée même de la dissuasion » a encore poursuivi le ministre de la Défense. « Lors du sommet de l’OTAN de Lisbonne en novembre 2010, la France a demandé et obtenu que la décision d’étendre les capacités de défense anti-missile de théâtre de l’Alliance à la protection des populations et territoires européens n’affecte pas le rôle de la dissuasion » a-t-il ajouté avant de conclure : « la défense anti-missile complète la dissuasion, au même titre que les moyens conventionnels, elle n’est pas destinée à s’y substituer ».

Cela étant, les avis sont partagés au sujet de cette défense antimissile. Le prédécesseur de Gérard Longuet à l’Hôtel de Brienne, Hervé Morin, qui soutient la candidature de Nicolas Sarkozy, ne s’en était pas montré un chaud partisan. « Dans l’histoire de l’humanité, le bouclier l’a-t-il emporté une seule fois sur le glaive? Jamais! » avait-il déclaré, en novembre 2009, lors du salon de l’aronautique de Dubaï.

Une opinion qui fut contestée par des députés venus d’horizons politiques différents – Christophe Guilloteau (UMP), Gilbert Le Bris (PS) et Francis Hillmeyer (Nouveau Centre) – et appartenant aux Cercles interparlementaires d’étude air-espace et naval de défense. « Il serait irresponsable pour la France de (…) négliger, par souci immédiat des coûts financiers, cette prolifération balistique », avaient ainsi écrit ces élus dans une étude publiée en janvier 2010.

Quant aux capacités industrielles nécessaires pour concevoir de tels systèmes, le sénateur Josselin de Rohan, qui était le président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense et des Forces armées au moment de déposer un rapport sur cette question, avait plaidé pour leur développement, sous peine de voir les les groupes français et européens de l’armement « décrocher » par rapport à leurs concurrents américains.

« La mise au point des éléments constitutifs d’une défense anti-missile des territoires et des populations est un puissant facteur de développement technologique » avait estimé le sénateur. « L’acquisition des technologies les plus performantes dans ces différents domaines est susceptible de générer des avancées sur l’ensemble des équipements ou systèmes aéronautiques, spatiaux et d’électronique de défense. Selon un schéma industriel éprouvé, les innovations de rupture d’aujourd’hui feront les systèmes d’armes de demain et les équipements génériques d’après-demain » avait-il poursuivi.

Par ailleurs, il n’est pas certain que la défense antimissile de l’Otan soit de nature à porter atteinte à la crédibilité de la dissuasion française. En fait, elle la renforcerait plutôt, grâce aux moyens d’alerte avancée puisque ces derniers permettraient d’identifier avec encore plus d’exactitude une agresseur éventuel.

En fait, ce sont surtout les systèmes antimissiles qui sont en cours de développement dans d’autres pays, comme la Chine, Israël ou encore l’Inde qui rendraient la force de frappe hexagonale moins crédible…

Reste que la mise en place d’un bouclier antimissile a un coût, évalué entre 2 et 3 milliards d’euros sur les 10 prochaines années par Antoine Bouvier, le Pdg de MBDA. Et dans le même temps, il faudra trouver des financements pour, entre autres, renouveler des équipements de l’armée de Terre, poursuive le programme Scorpion ainsi que l’achat de Rafale et de SNA de type Barracuda… Autrement dit, des choix seront à faire.

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