Le développement durable est aussi l’une des priorités des militaires

Dans l’esprit de beaucoup de personnes, l’armée et la défense de l’environnement ne font pas bon ménage. Il suffit de penser à ce qu’il reste dans l’imaginaire collectif de l’action des premiers militants écologistes contre l’extension du camp militaire du Larzac dans les années 1970.

Mais comme souvent, il ne faut jamais s’arrêter aux idées toutes faites. Car, justement, le ministère de la Défense fait des efforts importants en matière d’environnement. Propriétaire de 250.000 hectares de terrain en métropole, il a ainsi pris des mesures pour préserver la biodiversité en signant des accords avec différentes associations. C’est le cas pour la protection du gypaète barbu dans les Pyrénées où les aéronefs militaires sont amenés à éviter de survoler les zones où loge ce rapace en voie de disparition. Et des exercices de tirs ou des bivouacs peuvent être programmés en dehors des périodes de reproduction de certaines espèces.

Mais les efforts du minisète de la Défense visent surtout à réduire ses émissions de gaz à effet de serre, développer les sources d’énergie renouvelable et veiller à limiter au maximum la pollution susceptible d’être générée par la « déconstruction » des navires de la Marine nationale.

Ainsi, même si les aviateurs ne sont pas partisans des éoliennes car elles peuvent avoir des incidences sur le fonctionnement des radars, il n’en reste pas moins qu’une partie de l’électricité de la base aérienne (BA) d’Istres est fournie par plus de 15.000 m2 de panneaux photovoltaïques.

Autre exemple, la BA 705 de Tours. Là, c’est le bâtiment destiné à accueillir la Direction des ressources humaines de l’armée de l’Air (DRHAA) qui a été construit selon la norme Très Haute Performance Energétique (TPHE), laquelle fait notamment appel à des capteurs solaires, un isolation accrue des murs extérieures ou encore à une double VMC très puissance. Le Pentagone à la française intégrera d’ailleurs lui aussi ces contraintes.

« Évidemment, tout n’est pas parfait dans les innovations mises en place dans ce bâtiment. Il y a des choses à perfectionner. Mais globalement elles nous ont permit de réaliser de véritables économies d’énergie. Dorénavant on s’inspire de ces nouveautés techniques, surtout en matière d’isolation, pour construire de nouvelles infrastructures ou pour rénover des bâtiments au sein de la base » explique, sur le site du Ministère de la Défense, Bertrand Grinda, du service national d’infrastructure aéronautique.

Outre des systèmes pour économiser l’eau ou pour rationaliser les déplacements, la BA 705 met en oeuvre, depuis la fin de l’année 2009, des véhicules électriques conçus par la société EDRA. Le Pélican – tel est son nom – est un triporteur capable de transporter 200 kg de matériels pour les besoins de la Division ravitaillement du soutien unité (DSRU) qui l’utilise pour livrer des équipements aéronautiques sur la base. Un autre engin de même nature est aussi utilisé : le Goupil. Ce dernier équipe d’ailleurs la plupart des installations de l’armée de l’Air.

Le ministère de la Défense, dont les besoins énergétiques représentent la moitié de la consommation de l’Etat en la matière, a tout intérêt à prendre des mesures d’économies, y compris pour ses besoins opérationnels. En clair, moins l’on aura recours au pétrole, moins l’on en sera dépendant et plus la facture de carburant sera allégée. Ce qui sera appréciable en ces temps de disette budgétaire.Et qui plus est, cela réduira les risques pris pour ravitailler les troupes…

Et c’est ainsi que l’on parle désormais « d’éco-conception » des équipements militaires. « Prendre en compte les contraintes environnementales aujourd’hui, c’est éviter les problèmes opérationnels demain » résume l’ingénieur en chef de l’armement Xavier Grison.  » Si on ne prend pas tout de suite en compte ces questions environnementales pour un équipement, demain on aura des problèmes. Soit on n’aura pas le droit de l’utiliser, soit on ne pourra plus fabriquer, soit il faudra payer un développement de solution de rechange. C’est de toute façon notre intérêt de prendre en compte ces questions dès aujourd’hui » ajoute-t-il.

Cela étant, la priorité reste aux performances opérationnelles. Mais si l’on peut les concilier avec les contraintes environnementales, ce n’est que mieux. Ainsi, la frégate multimissions (FREMM) dispose d’un motorisation hybride, avec un moteur diesel et un autre électrique. « 70% du temps, elle navigue sur propulsion électrique » a confié, à l’AFP, Olivier de Smirnoff, de DCNS. « Le moteur électrique suffit à la propulsion à vitesse réduite et à l’alimentation des systèmes d’armes et de la climatisation » a-t-il expliqué. Et selon lui, rien qu’en jouant sur la forme hydrodynamiques des navires du futur, il sera possible de baisser leur consommation d’énergie de 20%.

Chez Renault Trucks Defense, l’on imagine des véhicules blindés dotés de moteurs électriques, lesquels seraient en mesure, selon le porte-parole du groupe, Charles Maisonneuve, d’assister la propulsion tout en alimentant les radars et les autres systèmes embarqués. Autre avantage : celui de réduire la signature thermique.

Quant aux opérations extérieures, il s’agit de donner davantage d’autonomie énergétique aux forces déployées, alors qu’elles disposent désormais de plus en plus de matériels électroniques et optroniques. Ainsi, le Centre d’expertise du soutien du combattant et des forces (CESCoF) a imaginé une tente dotée de panneaux photolvotaïques souples, capables « d’alimenter deux rampes néon, huit éclairages individuels à led et 16 prises de courants pour que les soldats puissent recharger leurs batteries de téléphone et d’ordinateur portable », selon Dominique Desnous, en charge du projet. Ces équipements font actuellement l’objet d’un appel d’offres. Les premiers exemplaires devraient être livrés dans le courant de l’année 2013.

Quoi qu’il en soit, l’Hôtel de Brienne va adopter, dans le courant du moisn une « stratégie du développement durable de la Défense (S3D) », laquelle va définir sa politique en matière d’environnement, d’achats, de transport et de formation de ses personnels aux économies d’énergie.

« Cette stratégie de développement durable de la Défense constitue une étape fondamentale dans le processus qui doit conduire à renouveler la réflexion sur l’adaptation des capacités militaires à l’évolution du contexte stratégique » explique le contrôleur général des armées Éric Lucas, directeur de la mémoire, du patrimoine et des archives.

« Certaines évolutions liées à l’environnement telles que les changements climatiques ou l’épuisement des ressources (…) auront à l’avenir des conséquences à la fois directes (…) et indirectes (..) sur la sécurité internationale. Pour veiller à la sécurité nationale et jouer le rôle, qui lui est dévolu dans la sécurité internationale, le ministère doit agir dès aujourd’hui pour prendre en compte ces évolutions. C’est notre capacité à appréhender dès à présent les défis liés au développement durable, qui déterminera l’ampleur de leur impact sur le monde de demain » a-t-il ajouté.

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