Coup d’Etat militaire au Mali
Considérant qu’ils n’ont les moyens de leurs missions, des militaires maliens, rassemblés au sein du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) ont renversé le président Amadou Toumani Touré (ATT), à l’issue d’un échange de coups de feu avec la garde présidentielle, le 21 mars, au palais de Koulouba, à Bamako.
Le putsch est parti de la caserne de Kati, à l’occasion d’une visite du ministre malien de la Défense. Les mutins, qui sont essentiellement des militaires du rang et des sous-officiers, se sont ensuite emparés des locaux de la radio-télévision nationale. Leur porte-parole, le lieutenant Amadou Konaré, a donné à ses compatriotes les motivations de coup d’Etat et annoncé les premières décisions de la junte, dirigée par le capitaine Amadou Sango.
En fait, ce coup d’Etat est la conséquence des difficultés rencontrées jusque-là par Bamako pour mettre en échec la rébellion touareg incarnée par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), territoire qui regroupe Gao, Tombouctou et Kidal, dans le nord du Mali.
Cette insurrection, qui bénéficie de renforts de combattants touaregs ayant servi le colonel Kadhafi en Libye ainsi que d’armes pillées dans les arsenaux libyens, a enregistré récemment des succès significatifs contre les forces régulières maliennes. Ces dernières ont subi de lourdes pertes, ce qui avait donné lieu, en février, à des mouvements d’humeur dans ses rangs à l’égard du président Touré et de son gouvernement.
Qui plus est, le Mali est en proie à l’activisme d’al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et du groupe salafiste Jamâa Anssar dine d’Iyad Ag Ghaly, organisations qui auraient des liens étroits avec le MNLA, même si les dirigeants de cette structure s’en défendent. Ces soupçons ont pris corps après le massacre de soldats maliens à Aguel’hoc, le 24 janvier.
Aussi, le porte-parole des mutins a justifié le renversement du président Touré – un ancien militaire qui a été putshiste en 1991 avant d’être élu en 2002 puis réélu en 2007 – par le sous-équipement de l’armée malienne et l’incapacité du pouvoir jusqu’alors en place à lutter contre le terrorisme.
Comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, la junte a promis de rendre le pouvoir aux civils quand « l’intégrité du territoire aura été rétablie » et de mettre en place un gouvernement d’union nationale. Par ailleurs, l’élection présidentielle, prévue pour avril et à laquelle le président Touré ne devait pas participer, a été annulée et les institutions ont été dissoutes.
Seulement, ce coup d’Etat a été condamné, ou du moins suscite de l’inquiétude, d’autant plus que le sort du président Touré est pour le moment inconnu.
« Nous avons condamné ce coup d’Etat militaire parce que nous sommes attachés au respect des règles démocratiques et constitutionnelles. Nous demandons le rétablissement de l’ordre constitutionnel, des élections, elles étaient programmées pour avril, il faut qu’elles aient lieu le plus vite possible pour que le peuple malien puisse s’exprimer » a affirmé Alain Juppé, le ministre français des Affaires étrangères, sur les ondes d’Europe1, ce 22 mars.
« Nous travaillons depuis des mois avec nos partenaires de la région et les organisations régionales pour engager un dialogue entre les rebelles du nord, les Touareg, et le régime malien, a ajouté le chef de la diplomatie française » a-t-il ajouté. La position française rejoint celle exprimée par l’Union européenne et les Etats-Unis.
La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a également condamné le putsch, en parlant « d’actions mal avisées des mutins » et a menacé, sans donner plus de précisions, de répondre « de façon appropriée à toute tentative pour perturber davantage la situation sécuritaire précaire » du Mali.
Ancienne colonie française, le Mali est l’un des pays les plus pauvres du monde, classé 175e sur 187 selon l’indice de développement des Nations unies. Ces dernières années, le pays s’est tourné davantage vers les Etats-Unis, qui lui apportent une aide militaire, mais aussi vers la Chine, qui lui a accordé 200 millions de dollars de crédits pour financer un pont sur le Niger, à Bamako. La menace représentée par AQMI a porté un rude coup à son secteur touristiques, avec la perte de 80.000 emplois et un manque à gagner de 80 millions d’euros.