Les dépenses militaires de l’Asie dépasseront celles de l’Europe en 2012

Pour l’observateur attentif des questions de défense, la prévision faite par l’Institut international d’études stratégiques (IISS) n’est pas une surprise. Selon ce centre de réflexion britannique, qui a présenté, le 7 mars à Londres, son rapport annuel sur l’équilibre des forces armées dans le monde, les dépenses militaires asiatiques dépasseraient, en 2012, celles faites par les pays européens.

« Depuis la crise financière de 2008, il y a eu une convergence entre les niveaux de dépenses militaires en Europe et en Asie » a expliqué John Chipman, le directeur général de l’IISS. « Alors que les niveaux de dépenses par tête en Asie restent sensiblement moins élevés qu’en Europe, au rythme actuel, les dépenses militaires en Asie vont probablement dépasser en 2012 celles de l’Europe, sur la base d’estimations » a-t-il ajouté.

Depuis la fin de la guerre froide, les budgets militaires européens sont en diminution constante. La crise économique et la nécessité pour la plupart des pays du Vieux Continent de réduire leurs dépenses publiques en raison d’un d’endettement trop lourd, a accéléré le mouvement au cours de ces dernières années.

« En Europe, les budgets de la défense restent sous pression et les coupes se poursuivent (…). Entre 2008 et 2010, il y a eu des réductions des budgets de défense dans 16 pays européens membres de l’Otan. Dans une bonne partie de ces pays, les baisses estimées ont dépassé les 10% », a rappelé John Chipman.

Cette tendance devrait se poursuivre. Ainsi, les forces britanniques doivent faire face à une baisse de 8% de leurs ressources en quatre ans. L’Allemagne a pris le même chemin, tout en prenant la décision de professionnaliser une Bundeswehr au format réduit.

La situation budgétaire italienne a conduit le président du Conseil, Mario Monti, à imposer une diète sévère à l’armée transalpine, qui devra réduire ses commandes de matériels et trancher dans ses effectifs. Et l’on pourrait citer le cas de la Belgique et des Pays-Bas, dont l’ampleur des coupes budgétaires a eu pour conséquence la perte de capacités militaires.

Pour le moment, et en dépit d’un équilibre précaire, la France fait figure d’exception, avec un budget de la Défense pour l’année 2012 quasiment stable. Mais cela ne s’est pas fait sans mal car les armées françaises ont subi – et subissent toujours – une réforme de grande ampleur, avec une réduction de 54.000 postes, afin de pouvoir réinvestir les gains de productivité ainsi obtenus dans l’achat d’équipements.

En Asie, la tendance est inverse, en partie à cause de la hausse annuelle à deux chiffres du budget chinois de la défense, lequel est désormais le second, derrière celui des Etats-Unis. Et en raison des rivalités territoriales entre l’Empire du Milieu et ses voisins, cela donne lieu à une course aux armements dans la région. Parmi les autres facteurs pouvant expliquer le niveau des dépenses militaires en Asie, l’on peut citer la situation en Corée du Nord, dont les missiles balistiques et le programme nucléaire inquiétent Séoul et Tokyo.

Cela étant, peut-on dire que l’on assistera à un « basculement » en faveur de l’Asie aux dépens de l’Europe? Même si la Chine développe de nouvelles armes (avion furtif J-20, missile « tueur de porte-avions », capacités anti-satellites), elle reste toutefois encore en retrait, sur un plan technologique, par rapport aux Etats-Unis et au Vieux Continent.

Et si les pays d’Asie augmentent leurs dépenses militaires, ce sont les industriels de l’armement américains et européens qui en profitent. Selon un dernier classement du Sipri, sur les 100 premieres entreprises liées au secteur de la défense, seulement 12 sont asiatiques. Et pour la plupart, elles fabriquent des équipements acquis sous licence par leur gouvernement.

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