L’armée américaine a marqué officiellement son retrait d’Irak

Le drapeau des Forces armées américaines en Irak (USF-I) a officiellement été replié lors d’une cérémonie organisée à l’aéroport de Bagdad, lieu symbolique, s’il en est, de l’opération Iraqi Freedom, lancée en mars 2003, puisqu’il s’agit du premier secteur de la capitale irakienne à être occupé par la coalition emmenée par les Etats-Unis pour renverser Saddam Hussein.

« C’est un évènement historique car il y a huit ans, huit mois et 26 jours, j’ai donné l’ordre aux éléments avancés de la troisième division de traverser la frontière » a déclaré le général américain et chef d’état-major adjoint Lloyd Austin.

Conformément l’accord de sécurité conclu entre Bagdad et Washington en 2008, soit avant l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche, les troupes américaines auront ainsi quitté l’Irak avant la fin de l’année 2011. Après cette date, seulement 160 militaires resteront dans le pays pour être affectés à l’ambassade des Etats-Unis, qui, avec 16.000 employés, sera la plus importante au monde. Ces soldats, aidé par 700 conctractuels, auront pour tâche de former leurs homologues irakiens.

Au cours de ce conflit, qui aurait pu connaître une autre trajectoire si l’erreur de purger l’ancienne armée irakienne de ses cadres n’avait pas été commise, les Etats-Unis ont engagé jusqu’à 170.000 hommes, déployés sur 500 bases. Et plus de 4.500 soldats américains ont perdu la vie au cours de ces 9 ans d’opération.

Prétexte à l’intervention des Etats-Unis, les armes de destruction massive dont Saddam Hussein était soupçonné détenir, n’ont pas été retrouvées. Et l’on se souvient de l’activisme des militants de groupes jihadistes, opérant sous l’étiquette d’al-Qaïda ou non, qui faillit faire basculer l’Irak dans une guerre confessionnelle. Il aura fallu la prise en main des opérations par le général David Petraeus, devenu depuis directeur de la CIA, pour rétablir une situation qui était, au moins jusqu’en 2007, très délicate, grâce à des principes de guerre contre-insurrectionnelle, inspirés par le théoricien français David Galula.

« Nous laissons derrière nous un Etat souverain, stable, autosuffisant, avec une gouvernement représentatif qui a été élu par son peuple. Nous bâtissons un nouveau partenariat entre nos pays. Et nous terminons une guerre non avec une bataille filnale, mais avec une dernière marche du retour » a déclaré le président Barack Obama, le 14 décembre, à l’occasion d’un discours prononcé à Fort Bragg pour rendre hommage aux soldats américains engagés en Irak, au moment de la fin de leur retrait d’Irak.

« C’est une réussite extraordinaire, qui a pris neuf ans », a-t-il encore lancé, en soulignant « le dur travail et le sacrifice » qui « décrivent à peine le prix de cette guerre, et le courage des hommes et des femmes qui l’ont menée ».

« Après le sang versé par les Irakiens et les Américains, la mission visant à faire de l’Irak un pays capable de gouverner et d’assurer seul sa sécurité est devenue réalité », a déclaré Leon Panetta, le patron du Pentagone, lors de la cérémonie marquant le retrait officiel des troupes américains.

« L’Irak va devoir faire face à la menace du terrorisme, à ceux qui sèmeront la division, aux problèmes économiques et sociaux », a-t-il tempéré, soulignant que des « défis continuent d’exister » mais que « les Etats-Unis resteront aux côtés du peuple irakien. » Aussi, avant de parler de réussite, encore faudrait-il attendre encore un peu pour voir comment ce pays va évoluer au cours des prochains mois.

En effet, des attentats sont commis régulièrement et les derniers en date ont surtout visé la communauté chiite à l’occasion de la fête de l’Achoura. Aussi, les tensions confessionnelles sont l’un des écueils que l’Irak aura à éviter. Les désaccords entre Bagdad et la minorité kurde, notamment au sujet de l’exploitation prétrolière, devront être réglés. Enfin, la nouvelle armée irakienne n’est pas encore prête à assurer la sécurité du territoire, en raison de ces lacunes capacitaires. Ce qui inquiète d’ailleurs, le président irakien, Jalal Talabani.

« L’Irak a besoin d’une présence américaine et d’instructeurs américains, parce que nous ne sommes pas capables de défendre notre ciel et nos eaux, ainsi que d’utiliser les armes que nous avons achetées ou que nous avons obtenus auprès des Etats-Unis » a-t-il déclaré en novembre dernier.

Ce qui pose la question de l’influence iranienne dans le pays. En effet, Téhéran ne manque pas de relais en Irak, grâce notamment au chiisme. Le régime des mollahs sera-t-il le principal bénéficiaire de l’opération conduite par les Etats-Unis? L’avenir le dira.

En attendant, Washington a adressé une mise en garde aux Iraniens, sans les nommer. « La souveraineté de l’Irak doit être respectée », a ainsi prévenu Barack Obama, le 12 décembre dernier, à l’occasion d’une rencontre avec Nouri al-Maliki, le Premier ministre irakien.

Pour terminer sur une note provocatrice, s’il devait y avoir un vainqueur de cette guerre en Irak, ce serait sans doute la Chine, qui a profité de l’engagement américain pour monter en puissance. Cette intervention aura coûté près de 800 milliards de dollars au contribuable américain (reconstruction, réparation et remplacement des matériels, pensions et soins des blessés, etc…). L’économiste Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, a même estimé que ce coût pourrait dépasser finalement les 3.000 milliards de dollars à long terme. Et quand l’on sait que Pékin est l’un des principaux créanciers de Washington…

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