Après la Russie, les Etats-Unis cessent d’appliquer le Traité sur les Forces Conventionnelles en Europe

« Yalta s’est terminé ce jour même ». C’est par cette phrase que le président français François Mitterrand avait commenté la signature du Traité sur les Forces Conventionnelles en Europe (FCE), le 19 novembre 1990, entre les 22 pays appartenant à l’Otan et au Pacte de Varsovie, disparu depuis.

Il s’agissait alors pour les deux camps d’instaurer des quotas d’armements conventionnels dans une zone allant de l’Atlantique à l’Oural et de poser le principe qu’une force étrangère ne pouvait plus être déployée sur le territoire d’un Etat signataire sans que ce dernier en ait donné préalablement son accord.

Mais depuis l’entrée en vigueur du Traité FCE, le 17 juillet 1992, la situation géopolitique européenne a changé. D’où une révision du texte – le FCE-A -, en 1999, prenant en compte l’adhésion d’anciens membres du Pacte de Varsovie à l’Otan. Cependant, ce dernier n’a été ratifié par seulement quatre pays, dont la Russie,, ce qui fait que ses dispositions sont inapplicables et que seul fait foi le Traité FCE initial.

Cela étant, et même si Moscou a obtenu une dérogation au traité avec l’autorisation d’augmenter ses quotas d’armements pour faire face aux tensions séparatistes dans le Caucase, la Russie a cependant pris la décision de suspendre l’application de ce texte en décembre 2007.

Plusieurs facteurs ont motivé cette prise de position. En premier lieu, pour ratifier le FCE-A, les Etats membres de l’Otan ont exigé un retrait des forces russes de Moldavie et des républiques séparatistes géorgiennes (Abkhazie et Ossétie du Sud). Or, pour Moscou, qui souhaite disposer de manoeuvres sur ses flancs nord et sud pour ses opérations dans le Caucase, cela n’est pas acceptable.

Par ailleurs, l’élargissement de l’Otan jusqu’à ses frontières n’est pas plus acceptable pour la Russie, qui proteste régulièrement contre l’installation de bases américaines dans les pays qui appartenaient, par le passé, dans sa zone traditionnelle d’influence.

La suspension par la Russie de l’application du Traité FCE a eu pour conséquence l’arrêt des échanges d’informations et des inspections concernant ses forces armées et les mouvements de ces dernières. Qui plus est, les autorités russes ont fait savoir qu’elles n’étaient plus tenues à respecter les quotas en matière d’armements conventionnels.

Depuis, pour relancer le le Traité FCE-A les Etats-Unis et la Russie se sont lancés dans de nouvelles discussions, lesquelles ont été perturbées par l’intervention russe en Géorgie au cours de l’été 2008.

En mai 2010, l’émissaire américaine concernant ce dossier, Victoria Nuland, a pourtant bien fait valider par les Etats membres de l’Alliance atlantique un document intitulé « A NATO proposal to Develop a 21st Century Framework for Strengthening Conventional Arms Control and Transparency in Europe », dans lequel était proposé à la Russie un nouveau cadre pour le contrôle des armements dans des « zones géographiques délimitées ». Mais rien n’a abouti, malgré la multiplications des négociations.

« Nos partenaires américains comprennent bien que, sous sa forme actuelle, le Traité FCE ne peut plus fonctionner. Moscou campe sur ses positions. Aussi le moratoire russe restera-t-il en vigueur tant qu’une variante susceptible de nous convenir ne nous sera pas proposée » a expliqué, en septembre 2010, Anatoli Serdioukov, le ministre russe de la Défense.

Du coup, à l’instar de Moscou, Washington a décidé de cesser de respecter les clauses du traité FCE, ce qui signifie que ce texte est désormais caduque. « Après quatre ans sans mise en oeuvre de la Russie et après des efforts répétés (…) pour sauver le traité, nous jugeons important de prendre quelques contre-mesures contre la Russie » a indiqué Victoria Nuland. Et, selon elle, « plusieurs, sinon tous les alliés de l’Otan vont faire la même chose ».

Toujours d’après Victoria Nuland, la politique de « reset » (redémarrage) visant à améliorer les relations avec la Russie et lancée par l’administration Obama a « permis de faire des progrès importants ». Et de citer notamment l’accord sur le nouveau traité START, qui limite les arsenaux nucléaires russes et américains. « Mais le redémarrage nous permet aussi de nous parler assez franchement » a-t-elle affirmé.

Sauf que le nouveau START, entré en vigueur le 5 février dernier et qui prévoit un maximum de 1.550 d’ogives nucléaires pour la Russie et les Etats-Unis, est également menacé.

« Compte tenu du lien étroit entre les armements stratégiques offensifs et défensifs, notre pays peut avoir des raisons de se retirer du traité START. Cela correspond à l’esprit du traité » a en effet affirmé, le 23 novembre, le président russe, Dmitri Medvedev.

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