Les Etats-Unis accusent l’Iran d’avoir fomenté un complot sur leur territoire
Le secrétaire américain à la Justice, Eric Holder, a accusé l’Iran, le 11 octobre, d’avoir voulu assassiner l’ambassadeur saoudien en poste à Washington, à savoir Abd el-Jubeir, et de préparer plusieurs attentats sur le territoire américain.
Selon les informations données par Eric Holder, deux ressortissants iraniens ont été inculpés dans le cadre de cette affaire. Seul l’un des deux a pu être arrêté, fin septembre, à New York. « Les Etats-Unis s’engagent à tenir l’Iran responsable de ses actions » a-t-il affirmé. « Même si cela se lit comme les pages d’un scénario d’Hollywood, l’impact aurait été bien réel et de nombreuses vies auraient été perdues » a, pour sa part, commenté Robert Mueller, le directeur du FBI.
Tout est parti d’un renseignement obtenu au mois de mai par un informateur de la DEA, l’agence américaine en charge de la lutte contre la drogue. Se faisant passer pour un membre du cartel mexicain Los Zetas, cet indicateur est contacté par un certain Mansour Arbabsiar, qui est un ami de sa tante.
Ce dernier, un vendeur de voitures d’occasion ayant obtenu la nationalité américaine, lui fait part de son intention de recruter des narco-trafiquants pour commettre des attetants contre les représentations diplomatiques saoudiennes et israéliennes aux Etats-Unis. Pour cela, il propose 1,5 million de dollars.
Les deux hommes se rencontrent ensuite régulièrement, notamment au Mexique, afin de régler les détails de l’opération. Et leurs conversations sont enregistrées. D’après le New York Times, Mansour Arbabsiar aurait proposé les services d’al-Qods, la force d’élite des Gardiens de la révolution iranienne, pour transporter des tonnes d’opium du Moyen Orient vers le Mexique.
Quoi qu’il en soit, lors d’un séjour en Iran, il fait verser un acompte de 100.000 dollars à l’intention de l’informateur infiltré de la DEA, avant de repartir au Mexique en septembre. Mais Mexico, en collaboration avec les services américains, lui refuse l’accès de son territoire et le renvoie à New York, où il sera arrêté.
D’après le département américain de la Justice, Mansour Arbabsiar a admis les préparatifs visant à assassiner le diplomate saoudien. Mais il va livrer d’autres informations. Ainsi, il a révélé avoir été « recruté, payé et dirigé par des hommes qu’il pensait être des hauts responsables d’al-Qods ».
Et il donne le nom de son officier traitant : Gholam Shakuri, qui appartient à cette unité d’élite iranienne. La justice américaine l’a inculpé pour « conspiration en vue de tuer un responsable étranger ». Il se trouverait actuellement en Iran.
Reste maintenant à voir le degré d’implication de Téhéran dans cette affaire. Même si les 100.000 dollars proviendraient bien d’un compte appartenant aux Pasdarans, les autorités iraniennes ont opposé un démenti aux accusation américaines en affirmant qu’il s’agit d’un « scénario monté de toutes pièces » visant à distraire l’attention du public américain des problèmes domestiques ».
Quoi qu’il en soit, Washington a prévenu que Téhéran aurait à « rendre des comptes » mais il n’a pour autant question d’éventuelles représailles militaires, le Pentagone ayant fait vavoir, le 12 octobre, qu’il s’agissait d’un problème diplomatique et judiciaire. « Le but pour l’heure est de continuer à imposer une pression financière et diplomatique sur les Iraniens », a ainsi déclaré George Little, son porte-parole.
Egalement concerné par ce complot présumé, le royaume saoudien a dénoncé une « tentative odieuse et immorale. De même que le Conseil de coopération du Golfe (CGC) a condamné le projet iranien. Au ministère français des Affaires étrangères, l’on parle d’une »violation scandaleuse du droit international, dont les auteurs et les commanditaires devront rendre compte ». De son côté, le gouvernement britannique s’est dit prêt à soutenir d’éventuelles mesures « pour que l’Iran réponde de ses actes ».
Cela étant, cette affaire pose plusieurs questions. Tout d’abord, en quoi l’élimination de l’ambassadeur saoudien aux Etats-Unis est-elle importante pour Téhéran? Est-ce une manoeuvre pour que les relations entre Riad et Washington se dégradent? Est-ce en lien avec la déstabilisation actuelle de la Syrie, alliée de l’Iran? Enfin, le mode opératoire ne colle pas vraiment avec les habitudes des services iraniens, même si ces derniers ont une longue tradition de soutien au terrorisme. Pourquoi la force al-Qods est-elle passée par un intermédiaire? N’aurait-il pas mieux valu prendre contact directement avec le cartel mexicain en question en lui mettant le « deal » entre les mains? Enfin, est-ce que les autorités iraniennes sont à l’origine de ce complot ou bien a-t-il été fomenté par des officiers rebelles des Pasdarans?