Dix ans après…

Les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone, commis voilà dix ans par le réseau terroriste al-Qaïda, fondé par Ben Laden, et préparé depuis l’Afghanistan où il avait trouvé refuge, auront été à l’origine de deux guerres impliquant les Etats-Unis.

Ces opérations militaires, ainsi que les mesures de sécurité prises après les attaques du 11 septembre, ont coûté, au minimum, 7.600 milliards de dollars aux Etats-Unis, avec une augmentation nominale de 81% du budget du Pentagone (hors financement des guerres et de la dissuation nucléaire, il est passé de 290,5 milliards en 2000 à 526,1 milliards de dollars en 2011).

Le coût des guerres menées en Afghanistan et en Irak est de 1.260 milliards de dollars. Et encore, ce n’est qu’un début étant donné que ne sont pas pris en compte les frais médicaux ainsi que les pensions des vétérans ayant participé à ces deux conflits. La note pourrait s’élever entre 3.000 et 5.000 milliards de dollars, selon le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz.

Est-ce à dire que ces dépenses sont la cause de l’affaiblissement économique des Etats-Unis, dont la dette – plus de 14.700 milliards de dollars – est en partie détenue par la Chine? Ce serait sans doute aller trop vite en besogne. Après tout, Ben Laden, le commanditaire des attentats, n’est pas le responsable de la gestion des deniers publics américains (la baisse des impôts était-elle nécessaire, alors que le pays se disait en « guerre contre le terrorisme »?), ni même de la crise des subprimes qui n’a rien arrangé.

Les opérations militaires américaines, aussi coûteuse soient-elles, ont cependant permis de porter de rudes coups au réseau al-Qaïda, du moins à son noyau dur. Ainsi, les responsables des attentats du 11 septembre ont été tous neutralisés, soit tués, soit en attente de leur procés.

Son chef, Oussama ben Laden, a été mis hors d’état de nuire en mai dernier. Il était temps, semble-t-il car de nouvelles attaques étaient en préparation. Encore que, il n’est pas certain que l’organisation terroriste « canal historique » ait été en mesure de les lancer, étant donné l’érosion de ses capacités dues aux attaques de drones américains contre ses bases situées dans les zones tribales pakistanaises.

Pour autant, la menace est toujours présente. Si le noyau dur d’al-Qaïda est en difficulté, ce n’est pas le cas de ses filiales qui se sont développées au Yémen, dans le Sahel et dans la Corne de l’Afrique, plus précisément en Somalie. Par ailleurs, d’autres groupes sont également prêts à reprendre le flambeau : c’est le cas du réseau pakistanais Lashkar-e-Taïba.

Car pour autant, l’idéologie que Ben Laden a cherché à imposer ne s’est pas éteinte avec lui. L’islamisme radical continue à faire des victimes, des régimes arabes ont même durci leur législation afin de donner des gages à des mouvements qui s’en réclament. Cela ne leur a pas forcément évité de tomber, Hosni Moubarak en sait quelque chose.

A ce propos, les révoltes qui ont secoué le Maghreb et le Moyen-Orient ne signent pas forcément la défaite idéologique d’al-Qaïda en général et de l’islamisme radical en particulier. Ainsi, en Egypte, les Frères musulmans, qui ne témoignent pas d’une grande mansuétude à l’égard de leurs compatriotes de confession copte-chrétienne (c’est le moins qu’on puisse dire!), attendent leur heure. D’où la prudence affichée par l’Institut international d’études stratégiques (IISS), dans son dernier rapport.

« Je ne dis pas qu’il y aura nécessairement des activités terroristes, mais la chute d’Etats sécuritaires est certainement quelque chose qui crée pour ces groupes des occasions de passer à l’action », a ainsi estimé Emile Hokayem, un expert de ce centre de recherches basé à Londres. « Le djihadisme international bénéficiait du fait que ces groupes pensaient qu’ils ne pourraient rien faire chez eux, donc ils (les djihadistes) ont combattu ailleurs (…). Maintenant, ils ont une occasion (de se faire entendre) plus près de chez eux » a-t-il poursuivi. Et de conclure : « Des groupes islamistes, notamment des groupes violents, réalisent que pour être pertinents, ils doivent se lancer dans la nouvelle politique du monde arabe et cela veut dire participer aux élections. »

Par ailleurs, la situation en Afghanistan est encore loin d’être réglée, un retour des taliban, après le retrait programmé des forces internationales, en 2014, étant à craindre. Le régime du président Karzaï, miné par la corruption, alimentée par le trafic d’opium qui est la principale production du pays, sera alors en première ligne contre les différentes factions qui mènent une intense guérilla, notamment dans le sud et l’est du pays. L’on verra alors s’il pourra faire face à ses responsabilités et s’il y avait ou non des raisons d’être inquiets.

Outre le mouvement taleb du mollah Omar, l’insurrection afghane se compose de plusieurs autres groupes, dont le Hezb-e-Islami de l’islamiste Gulbbudin Hekmatyar et le réseau Haqqani, qui opère depuis son sanctuaire du Nord-Waziristan, au Pakistan. Tout ce beau monde bénéficie du soutien discret des services secrets pakistanais (ISI), lesquels jouent un double-jeu dangereux étant donné que leur pays, détenteur de l’arme nucléaire, est la principale victime du terrorisme islamiste depuis 2007.

Autre pays à l’avenir en pointilllés : l’Irak. « Le fait que, soixante ans durant, les nations occidentales ont excusé et se sont accommodées du manque de liberté au Moyen-Orient n’aida en rien à notre sécurité parce qu’à long terme la stabilité ne peut être achetée au prix de la liberté », avait déclaré Georges W Bush, 7 novembre 2003. D’où le renversement de Saddam Hussein, quelques mois plus tôt, avec l’opération Iraqi Freedom, menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni, les armes de destruction massive et les liens supposés avec al-Qaïda du régime irakien ayant été d’autres prétextes.

A la fin de cette année, les 47.000 militaires américains qui y sont encore présents devront être rentrés aux Etats-Unis. Le pays est toujours confronté à la menace terroriste, portée par la branche irakienne d’al-Qaïda, laquelle commet des attentats presque quotidiennement. Et comme cela ne suffisait pas, le risque d’affrontements intercommunautaires n’est pas totalement écarté. Sans parler de l’influence iranienne, qui préoccupe Washington.

L’Iran justement. Si il y a un pays qui a pu tirer son épingle du jeu dans l’après 11 septembre, c’est bien lui. A qui profite le crime? A Téhéran, pourrait-on être tenté de penser. En effet, pendant que l’armée américaine était occupée en Afghanistan et en irak, le régime iranien a pu défier Washington sans craindre une attaque militaire préventive contre son programme nucléaire, qu’il a continué à mettre en oeuvre, et en soutenant activement la milice chiite du Hezbollah au Liban et le Hamas dans les territoires palestiniens.

Il est d’ailleurs intéressant de voir les liens entretenus au cours des années 1990 par le régime iranien avec les responsables d’al-Qaïda, au nom d’une lutte contre un ennemi commun, à savoir les Etats-Unis. Et ces relations, bien que contre nature (les jihadistes sunnites ne portant pas dans leur coeur les chiites), ont été renforcées après les attaques contre New York et le Pentagone.

Ainsi, plusieurs cadres de l’organisation trouvèrent refuge en Iran, dont l’égyptien Saïf al-Adel ainsi qu’Abou Mohammed al-Masri, deux hommes en contact avec les gardiens de la Révolution iranienne avant 2001. De même que certains membres de la famille d’Oussama Ben Laden, dont deux de ses fils.

Placés en résidence surveillée, ils ont quitté l’Iran en décembre 2010. Pour autant, il n’est pas certain que les liens entre al-Qaïda et Téhéran, jusqu’à présent peu évoqués, soient coupés. Ainsi, les Etats-Unis ont décidé de mettre les pieds dans le plat en annonçant, la semaine dernière, avoir pris des sanctions contre six hommes de l’organisation terroriste, dont Ezedin Abdel Aziz Khalil, décrit comme étant « un logisticien de haut niveau d’al-Qaida vivant en Iran et menant ses activités depuis ce pays dans le cadre d’un accord entre al-Qaida et le gouvernement iranien ».

Et le Trésor américain de préciser : « L’Iran est le principal État finançant le terrorisme dans le monde aujourd’hui. En mettant au jour son accord secret avec al-Qaida pour permettre de canaliser des fonds et des agents à travers son territoire, nous faisons la lumière sur un autre aspect du soutien sans égal d’Iran pour le terrorisme ».

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