La CIA et le MI6 ont collaboré avec les services secrets libyens sous l’ère Kadhafi. Et alors?

Selon des documents retrouvés dans les archives des services secrets libyens par l’organisation non gouvernementale Human Rights Watch (HRW), la CIA et le MI6, le service de renseignement extérieur britannique, ont collaboré à partir de 2004 avec le régime du colonel Kadhafi. Bon, à vrai dire, ce n’est pas le scoop du siècle et il n’y a pas matière à s’indigner quand on remet ces éléments dans leur contexte.

Après les attentats du 11 septembre 2001, les services de renseignement occidentaux ont renforcé leur coopération avec leurs homologues de certains pays arabes. Cela a été le cas avec, par exemple, le Maroc et l’Algérie. Et donc, avec la Libye. Et quand bien même le régime libyen aurait été d’essence démocratique, l’on peut être certain qu’il en aurait été de même. Seulement, ce n’était pas le cas.

Au début de l’année 2004, le colonel Kadhafi, alors isolé sur la scène internationale en raison de l’embargo qui frappait son pays pour son rôle dans des affaires de terrorisme (Lockerbie, DC-10 d’UTA, soutien à des groupes terroristes européens, tels que l’IRA), change de cap et annonce la fin de son programme d’armes de destruction massive.

Par ailleurs, et toujours à la même époque, le régime du colonel Kadhafi est confronté, lui aussi, à la menace islamiste, notamment avec le Groupe islamique combattant libyen (GICL). La ville de Derna, dans l’est du pays, est un foyer djihadiste, et même un vivier de combattants pour l’Irak, au point qu’un câble diplomatique américain diffusé par WikiLeaks s’en est inquiété. Et puis il suffisait de regarder un organigramme d’al-Qaïda, dans ces années-là, pour s’apercevoir de la présence de ressortissants libyens à différents stades de la hiérarchie du réseau créé par Oussama Ben Laden.

Sous la présidence de George W. Bush, la CIA a ainsi livré des présumés terroristes aux services libyens, tout en leur suggérant des questions à leur poser. Et, toujours en 2004, la centrale américaine a même établi une antenne permanente en Libye.

Cela a notamment été le cas pour le controversé Abdel Hakim Belhadj, l’actuel chef militaire rebelle à Tripoli, accessoirement ancien membre du GICL au curriculum vitae particulièrement fourni, maintenant « rangé des voitures », d’après ce qu’il prétend. Arrêté en 2004 en Thaïlande, puis remis aux autorités libyennes la même année et incarcéré pendant 7 ans à la prison Abou Selim, il affirme avoir été torturé et exige maintenant des excuses de la part de Washington et de Londres.

Pour Peter Bouckaert, de HRW, cette collaboration est un « chapitre très sombre dans l’histoire des services de renseignement américains ». Et d’ajouter : « Notre inquiétude est que ces gens étaient torturés lorsqu’ils étaient remis aux services de sécurité libyens et que la CIA savait ce se passait quand elle envoyait des gens comme Abdel Hakim entre leurs mains ». Ce à quoi un responsable cité par le Wall Street Journal a répondu qu’en 2004, « les Etats-Unis avaient réussi à convaincre le grouvernement libyen de renoncer à son programe d’armes nucléaires et d’aider à arrêter les terroristes qui visaient les Américains ».

Pour le MI6, la démarche est similaire. A la différence près, toutefois, que selon le quotidien The Independent, la collaboration avec Tripoli aurait dépassé le cadre de la lutte anti-terroriste puisque des renseignements concernant des opposants en exil en Grande-Bretagne auraient été communiqués aux services libyens. Cela peut s’expliquer par la volonté de l’ancien locataire du 10 Downing Street de plaire au colonel Kadhafi…

Même chose pour les services allemands, qui, selon le journal Bild am Sonntag, ont reçu des renseignements de la part de Tripoli. « Il s’agissait en premier lieu d’informations liées à la lutte anti-terroriste ayant trait aux intérêts sécuritaires de l’Allemagne » a expliqué Bernd Schmidbauer, un ancien responsable de la coordination de services de renseignement outre-Rhin. Selon lui, il s’agissait d’avoir accès à des sources que les agents allemands n’avaient pas.

A noter également que l’entreprise d’ingénierie informatique française Amesys, mise en cause récemment pour avoir fourni aux services libyens le système de surveillance du Web appelé Eagle, a justifié le contrat qu’elle a signée avec Tripoli en avançant qu’il s’agisait de « lutter contre le terrorisme et les actes pepétrés par al-Qaïda ».

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