Le chercheur Aymeric Chauprade, renvoyé de l’Ecole de Guerre par Morin, gagne en justice

« Arrêtez de mépriser les Français ». Tel est le titre du livre d’Hervé Morin, le président du Nouveau Centre, en lice pour l’Elysée en 2012 et ancien ministre de la Défense (2007-2010).

Seulement voilà, l’élu centriste aurait dû commencer par ne pas mépriser la loi et les procédures quand il a décidé de renvoyer manu militari le chercheur Aymeric Chauprade du Collège interarmées de défense, aujourd’hui redevenu Ecole de guerre, où il occupait la chaire de géopolitique.

A l’origine de cette affaire, il y a un livre, « Chronique du choc des civilisations », écrit par l’enseignant. Et un article de Jean Guisnel, le spécialiste de questions de défense au Point, avec le titre « Chauprade, l’homme qui forme les officiers et déforme l’histoire » et dans lequel le journaliste dénonce une dizaine de pages de l’ouvrage. Au fil de ces dernières, le géopoliticien évoque la théorie du complot comme grille de lecture des attentats du 11 septembre 2001.

Pour Hervé Morin, il s’agit là « d’une analyse sur les causes de la destruction des Twin Towers qui comporte des relents absolument inacceptables puisqu’il tend à démontrer que ce serait un complot israélo-américain. » Et d’ajouter : « cet homme n’a absolument rien à faire dans une institution comme la nôtre ». Et l’enseignant est prié de faire ses cartons.

Cela étant, Aymeric Chauprade ne s’est pas laissé faire. Dans les colonnes le la Revue parlementaire, après avoir pointé un « clan extrémiste à la fois pro-américain et pro-israélien, actif au coeur de notre système de défense et de politique étrangère » ayant voulu « l’éliminer », il s’explique : « Je revendique le droit de douter mais je ne conclue pas dans mon ouvrage que la thèse alter-complotiste est la bonne. Je ne conclue pas, tout simplement, parce qu’un scientifique sérieux doit savoir ne pas conclure s’il n’est pas sûr, ni de la thèse officielle (qui émane quand même d’un Etat qui a menti a plusieurs reprises pour entraîner ses alliés dans la guerre) ni de l’autre thèse ».

Ayant été directeur de campagne de Philippe de Villiers pour les élections européennes de 2004, Aymeric Chauprade « n’a jamais fait de prosélytisme dans ces cours, n’a jamais exprimé sa vision du monde, mais en fasant état de ses fonctions au CID dans ces livres, il engage l’institution militaire avec des thèses qui ne sont pas les nôtres » explique alors à Secret Défense le général Vincent Desportes, le directeur du l’Ecole de Guerre à l’époque des faits.

Puis c’est devant la justice que l’enseignant entend porter l’affaire de son éviction. Il gagne une première manche, en mars 2009, en obtenant la suspension de la mesure le visant devant le Tribunal administratif de Paris, les juges ayant estimé que le ministre de la Défense à l’époque a porté atteinte à une « liberté fondamentale », à savoir celle de s’expliquer et de se défendre.

Mais cela n’empêche par Hervé Morin de maintenir sa décision, estimant que la décision des juges porte seulement sur une « question de forme ». « Je vais faire en sorte que les conditions de forme soient réunies » lance-t-il alors.

Finalement, que la forme y soit ou n’y soit pas, le Tribunal administratif de Paris a une nouvelle fois désavoué l’ancien ministre de la Défense, le 1er juin dernier, puisque Aymeric Chauprade a obtenu l’annulation de la décision qu’Hervé Morin avait prise à son égard pour « procédure irrégulière », rapporte l’hebdomadaire Valeurs actuelles.

Cette décision est la seconde de cette nature depuis le début de cette année. En janvier, le commandant Jean-Hugues Matelly, avait obtenu l’annulation par le Conseil d’Etat du décret présidentiel le rayant des cadres de la gendarmerie pour avoir « manqué à son devoir de réserve », les juges ayant estimé qu’ « en faisant le choix de la mesure la plus lourde, équivalente à un licenciement alors qu’elle disposait d’un éventail de sanctions larges (notamment la possibilité de prendre une mesure de retrait temporaire d’emploi), l’administration a prononcé à l’encontre de cet officier de gendarmerie une sanction manifestement excessive. »

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