Un sous-marin britannique accusé d’être impliqué dans le naufrage du Bugaled Breizh

Dans l’affaire du naufrage du Bugaled Breizh, un chalutier bigouden qui a coulé au large du cap Lizard, le 15 janvier 2004 (5 marins tués), on aura eu droit à quasiment toutes les hypothèses, sauf peut-être la bonne…

Résumons. Pendant longtemps, la justice française a privilégié la piste d’une croche ayant entraîné le bateau vers le fond. Sauf que les conclusions d’un premier rapport d’expertise rédigé en 2008 par le contre-amiral (2S) Dominique Salles, ancien sous-marinier, évoquent une responsabilité éventuelle d’un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA).

Cette hypothèse a d’autant plus de poids que l’exercices de l’Otan Aswex 04 avait été organisé non loin de la zone du naufrage, de même que des manoeuvres britanniques, appelées Thursday War.

Dès lors, les familles des marins du Bugaled Breizh montent au créneau, exigent des explications et cherchent à identifier le SNA en cause, qui, selon le ministre de la Défense de l’époque, Hervé Morin, ne peut pas être français. D’ailleurs, la justice avait eu accès aux positions des bâtiments de ce type de la Marine nationale au moment du drame. Sont alors cités, un sous-marin Dolfjin néerlandais, qui n’est pourtant pas à propulsion nucléaire, et un SNA britannique.

Deux ans plus tard, en avril 2010, le même ancien officier de marine en retraite produit un second rapport. Là, une des pistes avancées parle d’un sous-marin de l’US Navy, venu dans la Manche surveiller un convoi japonais de matières nucléaires devant arriver à Cherbourg. Il se serait agi pour la marine américaine de préparer ainsi un transfert similaire entre les Etats-Unis et la France, prévu en octobre 2004.

Quoi qu’il en soit, en octobre de la même année, un avocat représentant les familles des victimes, Me Dominique Tricaud, a demandé la mise en examen pour « complicité » du commandant du Dolfjin, estimant qu’il aurait dû se porter au secours des marins du Bugaled Breizh étant donné qu’il était supposé être à proximité de la zone du naufrage.

Seulement, un troisième rapport établi par Dominique Salles et dévoilé par l’hébdomadaire Le Marin, indique que « la détection de titane dans la fune bâbord du Bugaled Breizh n’est véritablement pas significative de l’implication d’un sous-marin dans le naufrage », même si cet élément chimique se retrouve dans la composition de peinture de certains submersibles.

L’ancien officier de marine explique alors que la présence de titane trouvée sur les câbles du chalutier coulé proviendrait probablement de frottements contre sa coque ou de manoeuvres près des quais.

Bien évidemment, ces conclusions ont été rejetées par les avocats des marins disparus, qui chargent le contre-amiral Salles, accusés de tous les maux étant donné que ses affirmations ne vont pas dans le sens souhaité par les parties civiles.

« Le rapport du commandant Salles est une vraie entourloupe. Il pèche par un manque d’indépendance et la dénaturation des pièces du dossier » a ainsi déclaré Me Michel Kermarrec, l’avocat de l’armateur du Bugaled Breizh. « Il ne sait plus comment sortir de son expertise. Il est en service commandé pour exonérer les sous-marins français ou anglais, alors que nous ne pensons pas exclure ces sous-marins », a-t-il ajouté.

Cela n’empêchera de toute façon pas les avocats de creuser la piste du submersible. « Nous allons prochainement demander à rencontrer les juges pour leur demander la mise en examen du commandant du sous-marin responsable du naufrage » ainsi indiqué Me Tricaud, qui disposerait d’éléments solides pour étayer son accusation, c’est à dire le témoignage d’une personne ayant reçu des confidences de la part de l’officier britannique incriminé.

Selon cette source, le bâtiment impliqué dans le naufrage serait le HMS Turbulent. Selon un autre témoignage, publié par le Marin en décembre 2010, lors du naufrage, le navire de la Royal Navy poursuivait le SNA Rubis et ce dernier aurait reçu un message signalant une avarie du sous-marin britannique.

Si tout est à mettre au conditionnel pour le moment, il n’empêche qu’il subsiste une certaine confusion au sujet de la position du HMS Turbulent au moment des faits. Officiellement, il était à quai avant de prendre la mer le 16 janvier. Ce qui l’aurait dû faire, selon l’Otan, quatre jours plus tôt.

Quant au commandant du sous-marin en cause à l’époque, il s’agit du commander Andy Cole, qui s’est illustré en dirigeant les frappes du HMS turbulent au moment de la guerre d’Irak en 2003 (il a été fait officier de l’Empire britannique en 2005) mais aussi lors de l’échouage du HMS Astute, le dernier né des SNA de la Royal Navy, ce qui lui a valu l’interdiction d’exercer tout commandement, dans l’attente d’une éventuelle exclusion de la marine.

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