Afghanistan : Témoignage d’un sergent du 21ème RIMa

Pendant près d’un an, la rédaction du Figaro Magazine, et avec l’accord de l’Etat-major des armées (EMA), a suivi le sergent Christophe Tran Van Can, du 21ème Régiment d’Infanterie de Marine (RIMa) de Fréjus.

En étroite collaboration avec Nicolas Mingasson, un reporter du Figaro Magazine, le sous-officier a rédigé un carnet de guerre pendant son engagement en Afghanistan. L’EMA n’a censuré aucun passage de ce document. C’est donc une réalité « brute », dans tous les sens du terme, qui nous est ainsi donnée.

L’hebdomadaire a publié, dans son édition du 8 avril, de larges extraits de ce carnet de guerre, qui sortira en librairie dans les prochains jours. Quelques passages retiennent plus particulièrement l’attention.

Au sujet des matériels d’abord. Le sergent Tran Van Can, qui sera envoyé en Kapisa avec son régiment (Task Force Hermes) à partir de mai 2010, a reçu quelques semaines plus tôt ses nouveaux équipements. « Nous qui râlons tout le temps contre le matériel devons avouer, cette fois, qu’un vrai effort a été fait. (…) Nous étions tous comme des gamins, à ouvrir les boîtes, déchirer les sachets… Essayer ce que l’on peut déjà. Franchement, c’est bien. On s’est pas foutu de notre gueule » écrit-il le 5 mars.

Une fois arrivé à Tagab, le sergent raconte son quotidien, fait de patrouilles, de prises de risques et de combats, lesquels peuvent durer pendant des heures. Moins de trois mois de présence en Kapisa, le sous-officier est épuisé. « Le rythme des missions s’est accéléré. Je n’en peux plus. Nous n’en pouvons plus! » avoue-t-il.

« Nous n’avons plus une seule minute à nous. Nous rentrons du terrain pour nous laver, nous raser, dormir quelques heures puis enchaîner déjà sur une autre mission » explique-t-il à la date du 18 août. Et de poursuivire : « Dans la section, tout le monde a le sentiment d’être à son maximum, de vivre un risque permanent. » La durée d’une mission en Afghanistan pour un soldat français (hormis les pilotes) est de 6 mois…

Le sergent évoque aussi des rumeurs au sujet du commandement qui circulent à la base avancée. Ces bruits qui courent disent que « les chefs, à Nijrab ou plus haut, trouvent que nous n’en faisons pas assez, que le rythme des missions peut encore s’accélérer » et que « s’il n’y a pas de blessés ni de morts, c’est que l’on peut aller plus loin! ». « C’est tout simplement fou, insupportable » s’exclame-t-il.

Quant aux rapports avec la population civile, on est loin de l’objectif affiché consistant à « gagner les coeurs et les esprits ». « Dans le fond, je me moque de ce pensent les gens que nous croisons, que nous interpellons, que nous fouillons… Tous, d’une manière ou d’une autre, représentent une menace contre nous. Je n’ai d’autre choix que d’être suspicieux. C’est la vie des gars, la mienne aussi, qui est en jeu » écrit le sous-officier à la date du 16 juin.

Deux jours plus tard, le sergent évoque les « caillassages », par des enfants, des troupes françaises. « Ca change des autres opérations extérieures! » lance-t-il. « J’ai toujours senti l’armée française plutôt appréciée, sinon aimée. Ici, j’ai le sentiment inverse que nous les gênons, qu’ils ne veulent pas de nous. Moi, je m’en moque. Vraiment. Je ne suis pas ici pour faire du social mais juste assurer la mission, et cette mission, c’est une mission de combat. On ne peut pas faire les deux, ça, j’en suis certain » avance-t-il.

Enfin, le sous-officier parle aussi des élections législatives afghanes, qui ont lieu le 18 septembre 2010. « Evidemment, ils en ont parlé à la télé en France. Pour les journalistes, ces élections sont un succès. S’ils le disent! » ironise-t-il. Pour le reste de l’Afghanistan, le militaire ignore si c’est vrai. Mais en revanche, pour la Kapisa, il est affirmatif : « Mais, nous, isolés du monde depuis quatre mois, nous avons une vision complétement différente des choses. Aucun votant à Alasay, quelques dizaines seulement à Tagab ». Et d’expliquer : « les insurgés se sont déchaînés toute la journée. Rares sont ceux qui sont prêts à mourir pour un bulletin de vote ».

Référence : Journal d’un soldat français en Afghanistan – Sgt Christophe Tran Van Can, avec Nicolas Mingasson – Plon/Le Figaro Magazine – En librairie le 14 avril 2011 (17 euros)

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