Le ton monte entre le Cambodge et la Thaïlande

Classé au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO en juillet 2008, l’ancien temple hindou de Preah Vihear, construit au XIème siècle, fait l’objet d’un contentieux entre le Cambodge et la Thaïlande. En fait, c’est une zone frontalière de 4,6 km2 qui est surtout la source du litige entre les deux pays.

En 1904, des topographes français chargés de délimiter la frontière entre le Cambodge et le royaume de Siam, avaient placé le temple de Preah Vihear du côté cambodgien. Depuis, la Thaïlande n’a eu de cesse de vouloir le récupérer, comme cela fut le cas lors de l’effondrement de la France, en 1940.

Après la Seconde Guerre Mondiale, le temple fut restitué au Cambdoge, qui était alors un protectorat français. Mais quand la France décida d’accorder l’indépendance aux Cambodgiens, en 1953, l’armée thaïlandaise occupa de nouveau le temple contesté, avec, à la clé, des tensions diplomatiques et des menaces de guerre.

Saisie en 1959 par Phnom Penh afin de trancher la question , la Cour internationale de La Haye rendit, trois ans plus tard, un arrêt attribuant le temple de Preah Vihear au Cambodge, conformément au tracé de la frontière établi en 1904.

Pour autant, cette décision n’a pas mis un terme à la polémique. Et l’inscription du temple au patrimoine mondial de l’humanité a remis le feu aux poudres. Dès cette mesure prise, l’armée thaïlandaise a remis en état de vieux bunkers près du site et mobilisé des milices villageoises.

Et pendant un mois, un millier de soldats se sont fait face de part et d’autre de la frontière avant qu’un accord portant sur un retrait coordonné ne soit trouvé à la mi-août 2008. Et deux mois plus tard, des combats firent un mort et plusieurs blessés dans cette zone, ce qui laissa planer le doute d’une guerre entre les deux pays.

A l’époque, la Thaïlande était au prise avec une grave prise politique et certains commentateurs estimèrent que le ducissement du ton au sujet du vieux temple servait à mobiliser et à ressouder l’opinion publique face à un ennemi commun, en l’occurrence le Cambodge.

Depuis, quelques escarmouches ont eu lieu près de la zone disputée. En janvier 2010, un militaire thaïlandais y avait été tué. Mais la situation s’est brusquement tendue le 4 février dernier, soit trois jours après la condamnation par un tribunal cambodgien de deux ressortissants thaïlandais pour faits d’espionnage dans les environs de Preah Vihear.

Pendant plusieurs heures, des échanges de tirs ont eu lieu de part et d’autre de la frontière. Des obus d’artillerie seraient même tombés sur le village thaïlandais de Huay Thip, tuant au moins un des habitants.

« Nous leur avons dit : ‘ne venez pas dans ce secteur’ et ils sont venus quand même. Nous avons tiré en l’air et ils ont commencé à nous tirer dessus » a expliqué, le même jour, Khieu Kanharith, le porte-parole du gouvernement cambodgien, qui a part ailleurs annoncé son intention de porter l’affaire devant le Conseil des sécurité des Nations unies, en accusant les militaires thaïlandais de s’être infiltrés sur son territoire. Et deux militaires cambodgiens auraient été blessés dans les combat.

Pour le chef de l’armée de Terre thaïlandaise, Prayuth Chanocha, il s’agit d’un « malentendu » et il a affirmé être en contact avec son homologue cambodgien pour éviter l’escalade.

Mais, manifestement, le calme n’est toujours pas revenu dans le secteur puisque depuis le premier accrochage, le bilan s’est alourdi, avec deux civils tués de part et d’autre, de même qu’un soldat thaïlandais et trois cambodgiens. Et ce 7 février, de nouveaux incidents ont eu lieu.

Le gouverneur de la province thaïlandaise de Si Sa Ket a annoncé l’évacuation d’environ « 15.000 personnes » vers des abris et la fermeture de 23 écoles situées le long de la frontière.

Sur le papier, l’armée thaïlandaise est nettement supérieure à son homologue cambodgienne. La première, dotée d’un budget de 5 milliards de dollars, est équipée de matériels relativement modernes, avec par exemple des F16 et des Saab Gripen, récemment commandés. La seconde, aux moyens nettement plus modestes, que ce soit en termes budgétaires ou au niveau des personnels, dispose de 4 MiG21 d’origine soviétique et d’un nombre indeterminé de son dérivé chinois, le Chengdu J-7.

Mais Phnom Penh ne s’en laisse pas compter. « Si la Thaïlande considère le Cambodge comme quantité négligeable, qu’elle le dise. Mais les fourmis aussi peuvent déranger l’éléphant qui dort » avait déclaré Hun Sen, le Premier ministre cambodgien, en octobre 2008.

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