Paris brûlera-t-il?

Hormis les Balkans, l’Europe n’a plus connu de conflits sur son territoire depuis 1945, notamment grâce à la dissuasion nucléaire, à l’intégration européenne et à l’adhésion de la plupart des pays du Vieux Continent à l’Otan.

La chute du Mur de Berlin, en 1989, et la disparition de la menace représentée par les troupes du Pacte de Varsovie ont fait croire que l’Europe serait épargnée par la guerre pendant longtemps, si ce n’est pour toujours, au point que certains, comme le chercheur américain Francis Fukuyama, ont même parlé de « fin de l’histoire ».

Pourtant, même si le nombre de guerres entre Etats a diminué depuis les années 1990 – il y en avait 7 en 2009 et 9 en 2008 – les conflits politiques internes ont nettement augmenté, comme l’a souligné l’institut allemand de Heidelberg.

A cela s’ajoute la progression constante des dépenses militaires à l’échelle mondiale, qui ont même atteint un niveau supérieur à celui qui était le leur pendant la Guerre Froide. Et, avec la crise économique, les rivalités entre puissances pour le contrôle de ressources naturelles et le terrorisme international, les risques de déstabilisation ont tendance à s’accroître.

Aussi, la paix est fragile et c’est ce qu’a voulu démontrer le reporter de guerre Patrick Chauvel, que les admirateurs de l’oeuvre de Pierre Schoendoerffer doivent bien connaître puisqu’il a tenu des rôles dans quelques uns des fims du cinéaste (« Dien Bien Phu » et « L’honneur d’un capitaine »).

Pour cela, et avec le concours de Paul Biota, Patrick Chauvel a réalisé des photomontages montrant des scènes de guerre à Paris, en superposant des clichés pris lors de conflits qu’il a couverts avec celles de monuments parisiens. Ce qui donne un résultat saisissant, à même de frapper les consciences. L’on peut ainsi voir, par exemple, l’épave d’un char au pied de l’Arc de Triomphe ou encore des snipers sur le parvis de Notre-Dame.

Le travail de Patrick Chauvel et de Paul Biota est présenté dans le cadre d’une exposition intitulée « Peurs sur la ville », organisée par la Monnaie de Paris jusqu’au 17 avril prochain. A cette occasion, des photographies de la capitale en guerre sorties des archives de l’hebdomadaire Paris Match ainsi que des images du photographe allemand Michael Wolf ont également été réunies.

« Paris est un champ de bataille, nous l’avions oublié » écrit l’académicien Max Gallo, pour présenter cette exposition, qui est « un appel à la lucidité et à la vigilance ». « Il faut des décennies pour imaginer et construire la paix et un seul geste pour la détruire » estime encore l’écrivain.

Hasard ou pas, la tenue de cette exposition coïncide avec le retour de l’Ecole de Guerre, en lieu et place du Collège interarmées de défense (CID), l’organisme chargé de former les officiers aux plus hautes fonctions. Ce changement de nom doit ainsi « traduire ce pour quoi » les militaires sont « formés » et « signifier quelque chose pour la société civile », pour reprendre les termes utilisés par l’amiral Edouard Guillaud, le chef d’état-major des armées (CEMA).

Ancien directeur du CID, le général Vincent Desportes, aujourd’hui enseignant à l’Institut d’études politiques et à HEC, a justifié le retour de l’appellation « Ecole de Guerre » dans une tribune publiée par le Figaro, le 27 janvier dernier.

« Les champs de guerre ont changé, ses moyens aussi : mais la guerre est là, qui nous cerne. L’espoir de paix comme horizon de l’homme est lui aussi consubstantiel de la guerre elle-même; mais si nous nous contentons, benoîtement, d’observer la guerre depuis notre balcon, la violence, retenue encore devant notre porte, franchira vite son seuil. Nous devons nous préparer à la guerre et accepter que l’idée d’Europe n’ait pas tué le fait de guerre » a-t-il écrit.

Et de poursuivre : « Ne nous beçons pas d’illusions : si la guerre est notre passé, si elle est notre présent, elle est aussi notre futur. Nous assoupir dans notre bulle artificielle de sécurité, ce serait nous préparer de difficiles réveils lorsque, demain ou plus tard, de manière probablement imprévisible, la guerre reviendra chez nous, sous ses nouvelles formes armées ».

Photo : (c) Patrick Chauvel / photomontage Paul Biota

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