Comment les civils afghans perçoivent les troupes françaises

Le rapport de mission de l’abbé Benoît Jullien de Pommerol (vidéo), padre du 2ème Régiment Etranger Parachutiste, concernant sa mission en Afghanistan effectuée au cours du premier semestre 2010, a déjà fait couler beaucoup d’encre, notamment sur le blog Secret Défense qui en a publié quelques extraits, portant notamment sur ses critiques envers la « déférence » de l’armée française à l’égard de l’Islam, allant même jusqu’à parler de « syndrome de Stockhom » et du comportement irrespectueux de certains Afghans lors de cérémonies organisées suite à la mort de militaires français.

Le père de Pommerol, un « fana mili » qui prend Lyautey et le père de Foucauld en exemple, a ainsi décrit ce qu’il a pu lui-même constater lors de sa mission. Et le compte-rendu qu’il en fait est plutôt explosif. Pour le commandement, les consignes données aux militaires français déployés en Afghanistan visent à respecter les us et les coutumes d’un pays de culture islamique. Et selon le Padre, on aurait tout faux car la mentalité afghane serait incomprise. Pire même : la politique consistant à porter les efforts sur le développement du pays à coups de milliards de dollars serait une erreur. Et il s’en explique au travers d’un exemple :

« Quelques temps avant l’arrivée de notre mandat, un accrochage dans la green zone avec une riposte au mortier avait causé des dommages parmi le bétail local, à savoir vaches et moutons. L’ancien chef de corps avait promis que cela serait réparer par le dédommagent financier, et nous eûmes donc à distribuer les quelques 8000 euros aux habitants de cette zone. Or, cela est un signe de faiblesse pour les afghans. Ce peuple se bat depuis des générations et ne comprend que la loi du plus fort. Nos chefs militaires et politiques ont écrit que la victoire ne serait pas militaire. La conclusion des afghans est que nous avons donc perdu militairement. Nous sommes des vaincus. Et parallèlement, nous essayons, dans leur vision, de les acheter, ou d’acheter la paix, à coup d’euros, ou de ponts, de routes, d’écoles, de couvertures, de tracteurs etc. Ils nous dénigrent comme vaincus, et nous méprisent comme corrupteurs. De plus, loin d’avoir la moindre gratitude devant tant de générosité, ils considèrent cela comme des prises de guerre. »

Le père de Pommerol revient également, dans son rapport, sur les circonstances de la mort du sergent Ryguiel, le 7 juin 2010 :

« L’après midi de ce même jour, durant une opération menée dans cette zone, les GCP embusqués, (les commandos du régiment desquels faisait partie Ryguiel), furent repérés par des enfants et contraints de changer de place pour ne pas être pris pour cible par les insurgés. Après s’être repositionnés, ils furent de nouveau repérés par des enfants partis à leur recherche, et leurs positions furent donc donnés aux insurgés qui montèrent leur attaque durant laquelle Ryguiel mourut. »

Le Padre explique ensuite le mode opératoire utilisé par les insurgés, qui « se déplacent d’un point A à un point B », tranquillement et sans armes, c’est à dire sans risque d’être pris pour cibles, « pendant que des enfants cavalent derrière avec l’armement et les munitions ». Quant aux femmes, elles sont « aussi mises à contribution, notamment dans le domaine du renseignement où, en toute impunité, elles observent les effectifs, les véhicules, l’armement et les positions pour rendre compte ensuite et renseigner les taliban ».

Le père de Pommerol charge également les forces de sécurité afghanes, appelées à prendre la succession des troupes de l’Otan pour assurer la sécurité sur l’ensemble de l’Afghanistan en 2014. Citant un rapport rédigé par Arnold Fields, un ancien militaire américain devenu inspecteur général pour la reconstruction de l’Afghanistan, il pointe « la corruption et l’usage de la drogue parmi les militaires afghans ». Et de raconter quelques épisodes qu’il a vécus :

« Quand une OAP (opération aéroportée) fut programmée par notre task force, nécessitant l’accord d’un général américain, le briefing qui lui fut fait à Tora encensait les troupes afghanes, leur attribuant quasiment toutes les vertus et l’excellence du comportement de très bons soldats. (J’espère que le général n’avait pas lu le rapport en question…)
De manière plus précise, il m’est arrivé d’assister à de nombreuses scènes, où des soldats de l’ANA étaient soit ivres, soit complètement drogués.
Lors d’une patrouille, alors que j’étais moi-même sur sa base, un lieutenant du 1er RHP a même été mis en joue au PKM par un soldat de l’ANA, hurlant de colère sous le coup de l’alcool et de la drogue, à quelques mètres de lui. Il ne dut son salut qu’à l’intervention d’autres soldats de l’ANA qui plaquèrent leur camarade au sol.
D’une manière plus générale, beaucoup de « manip » étaient soit annulées soit très modifiées car les soldats de l’ANA avaient soit trop chaud, soit trop froid, soit faim, soit il allait pleuvoir, ou faire nuit, ou ils ne voulaient pas passer la nuit sur le terrain, (quand les français y dormaient, eux), ou ils n’avaient pas assez dormi, ou pas assez récupéré, ou pas pris leur petit déjeuner, etc. Je peux étayer chacun de ces cas, chacun. »

Plus : L’intégralité de ce rapport de mission peut être consultée ici.

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