La justice relaxe trois marins du porte-avions Charles de Gaulle

En novembre 2001, quelques jours avant le départ du porte-avions nucléaire Charles de Gaulle pour sa première mission dans l’océan Indien, le quartier-maître Sébastien Pisani, alors âgé de 21 ans, est victime d’un intoxication après avoir inhalé du sulfure d’hydrogène (H2S) au cours d’une intervention sur une caisse d’eaux usées du bâtiment. Il est en outre submergé par 3.000 litres d’eau noire.

Un autre marin, le quartier-maître Franck Freohlinger, venu lui porter secours, est lui aussi asphyxié mais il pourra reprendre le service quelques semaines plus tard. Ce qui ne sera pas le cas de son camarade, plongé, depuis, dans le coma en raison d’une anoxie cérébrale provoquée par le gaz.

Suite à cet incident, la famille du quartier-maître Pisani a porté plainte. Sa mère, Chantal Montesino, avait déclaré, en octobre 2008, vouloir que « la Marine soit reconnue responsable ». « Ils sont tous responsables sans l’être. M. Dupont ou Durand, je m’en fous, je veux qu’ils soient hantés jusqu’à la fin de leur vie » avait-elle ajouté, en évoquant les cinq responsables hiérarchiques de son fils visés par la procédure.

L’intervention effectuée par le quartier-maître Pisani avait pour objet de débloquer un clapet de non-retour défaillant sur l’une des 48 caisses du système de collecte des eaux usées du porte-avions. L’enquête a démontré que ce type d’incident était alors très fréquent sur le Charles de Gaulle pour une raison simple : par souci d’économie et pour gagner du poids, des clapets prévus pour de l’eau douce avaient été choisis. Seulement, ces derniers s’encrassaient régulièrement et, de surcroît, ils n’avaient pas été montés correctement.

Par ailleurs, et suite à un incident du même type arrivé à bord de la frégate Georges Leygues, un message en date du 10 août 2001 et émis par le commandement de la Force d’action navale (FAN), recommandait la procédure d’intervention en espaces confinés pour opérer sur les caisses d’eaux usées.

Plus d’un mois plus tard, la commission d’hygiène et de prévention du Charles de Gaulle estime que le message n’était en fait qu’un rappel des procédures et qu’il ne concernait pas spécifiquement le compartiment abritant les caisses d’eaux usées étant donné que le constructeur, DCNS, ne l’avait pas classé comme étant un local confiné.

Message mal rédigé, incompréhension ou mauvaise interprétation, toujours est-il que cinq marins du porte-avions sont traduits devant la justice, dont le major Eric Manuaut, maître-principal en charge de la section collecteur-pompes au moment des faits, l’enseigne de vaisseau Alain Valenti, le lieutenant de vaisseau Jean-Guy Berriet, alors chef du service de sécurité, l’officier de sécurité nucléaire, c’est à dire le capitaine de vaisseau Bernard Jacquet et le contre-amiral Marc Bramaud du Boucheron, alors commandant en second du navire, qui en était le responsable au moment de la réception du message de la FAN.

En novembre 2008, les estimant coupables de graves négligences, trois marins avaient été condamné par la chambre militaire du tribunal correctionnel de Marseille à des peines allant de 3 mois à un an de prison avec sursis. Deux autres officiers, dont le contre-amiral Bramaud du Boucheron, avaient quant à eux été relaxés. Cependant, le parquet avait décidé de faire appel de ces condamnations, bien moins sévères que celles demandées par le procureur.

Finalement, après une audience tenue devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence tenue en novembre 2010 et au cours de laquelle il avait été requis des sanctions aggravées par l’avocat général, les cinq marins mis en cause ont vu leurs peines réduites par rapport au jugement rendu deux ans plus tôt.

Ainsi, la relaxe de l’ancien commandant en second du porte-avions ainsi que celle du capitaine de vaisseau Jacquet ont été confirmées. Le major Eric Manuault, condamné en première instance à 3 mois de prison avec sursis, a lui aussi été relaxé, la cour estimant qu’il « ignorait la possible création d’H2S dans les conditions de réalisation de l’accident du 8 novembre » et que cette « méconnaissance ne peut lui être imputée à charge ».

Le lieutenant de vaisseau Berriet a vu sa peine réduite de 1 an à 6 mois de prison avec sursis. La cour a considéré que « sa mission de chef de prévention faisait que c’était à lui qu’il appartenait de signaler le risque ».

Enfin, la peine de 6 mois de prison avec sursis prononcée en première instance à l’égard de l’enseigne de vaisseau Valenti a également été divisée par deux. Pour la cour, « il a omis de prendre les mesures qui auraient permis d’éviter le dommage et, ce faisant, a commis une faute caractérisée d’une particulière gravité. »

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