Le juge Van Ruymbeke ne pourra pas perquisitionner les locaux de la DGSE

La confirmation faite le 18 novembre par Charles Millon, l’ancien ministre de la Défense du gouvernement Juppé, au sujet de l’arrêt du paiement de commissions à des intermédiaires ayant oeuvré pour l’obtention par la France d’un contrat de vente portant sur l’achat de trois sous-marins Agosta par le Pakistan, a agité le monde politico-médiatique ces derniers jours.

D’ailleurs, l’on se demande bien pourquoi car le même Charles Millon avait dit la même chose aux journalistes de Paris Match en juin 2009. Sauf que là, c’était devant le juge Renaud Van Ruymbeke. D’où cette ébullition.

Pour résumer brièvement cette affaire, des commissions auraient donc été versées dans le cadre du contrat Agosta. D’où la suspicion qu’une partie de cet argent soit revenue en France, sous forme de rétro-commissions, pour financer pour la campagne électorale d’Edouard Balladur, alors candidat face à Lionel Jospin et à Jacques Chirac en mai 1995.

Une fois installé à l’Elysée, Jacques Chirac a voulu mettre les choses au clair et arrêter le versement des commissions de certains contrats d’armement. Dont celui concernant la vente des sous-marins au Pakistan. Vient l’attentat de Karachi, en mai 2002, au cours duquel 11 salariés de DCNS ont trouvé la mort. La thèse que certains défendent est qu’il existe un lien entre cet acte terroriste et l’arrêt du paiement des commissions.

Mais pour le moment, il n’y a aucun élément pour le prouver, si ce n’est la déclaration faite à Mediapart par Claude Thévenet, un ancien de la DST, selon laquelle la DGSE aurait envoyé un commando au Pakistan pour briser quelques genoux à des officiers pakistanais soupçonnés d’avoir commandité l’attentat.

Cependant, le témoignage de Claude Thévenet, qui est l’auteur du rapport Nautilus, le document par lequel l’affaire a éclaté, a été contredit par un ancien du boulevard Mortier. « C’est un bordel purement pakistanais » a-t-il confié au site Bakchich, lequel a souligné qu’au moment des faits, « les services (ndlr: la DGSE) étaient décapités, soupçonnés par le président Chirac d’avoir enquêté sur son compte japonais ». Par ailleurs, le site d’information dresse un portrait de l’ancien policier pas des plus flatteurs

Toujours est-il que les investigations concernant cette affaire continuent. Elles se divisent en deux parties : l’aspect terrorisme du dossier concerne le juge Marc Trévidic et le volet corruption regarde le juge Van Ruymbeke. Et ce dernier aurait bien voulu perquisitionner les locaux de la DGSE pour mettre la main sur « tout document relatif à l’enquête », selon une source « proche du dossier » qui s’est confié à l’AFP.

Mais depuis juillet 2009, les lieux peuvent également être couverts par le secret défense. Et bien évidemment, les bureaux de la DGSE le sont. Si un magistrat veut toutefois y mener une perquisition, il doit en faire la demande pour qu’une « déclassification temporaire » lui soit accordée.

Si tel est le cas, alors le juge peut consulter des documents classifiés, lesquels sont mis sous scellés en présence du président de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN). C’est ce qu’il s’est passé en octobre dernier, quand le juge Ramaël a perquisitionné le siège de la Piscine dans le cadre de l’affaire Ben Barka.

Seulement voilà, le juge Van Ruymbeke, qui comptait faire une perquisition dans les locaux de la DGSE le 24 novembre, devra revoir ses plans puiqu’elle lui a été refusée par le Premier ministre.

« La déclassification temporaire de tout ou partie des locaux de la DGSE (…) ne peut recueillir mon accord, compte tenu en particulier de l’avis défavorable émis ce jour par le président de la Commission consultative du secret de la défense nationale » lui a ainsi notifié François Fillon, le 19 novembre.

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