Des sociétés militaires privées signent un code de bonne conduite

En Irak, la société militaire privée Blackwater, aujourd’hui Xe Services, a fait l’objet de 168 plaintes en justice pour des exactions commises par certains de ses employés. L’affaire la plus emblématique reste la fusillade à un carrefour de Bagdad où 17 civils avaient été tués. Du coup, les « contractors » (comprendre, mercenaires) ont la réputation d’avoir la gâchette facile.

Cela étant, les armées anglo-saxonnes, et américaines en particulier, ont de plus en plus souvent recours aux services de ces sociétés privées de sécurité, au point même d’avoir du mal à s’en passer, comme la récente décision du président afghan Hamid Karzaï consistant à les expulser d’Afghanistan l’a montré.

En effet, depuis quelques années, l’armée américaine a externalisé certaines tâches pour les confier à des SMP afin de se recentrer sur ses missions de base. C’est ainsi que l’ex-Blackwater a formé 50.000 marins de l’US Navy après l’attentat contre l’USS Cole en octobre 2000 ou encore que MPRI et DynCorp ont été chargés repectivement de l’instruction de recrues de l’armée et de la police en Afghanistan. Ces sociétés privées peuvent être également chargées de la protection de convois logistiques, voire même de bases sur des théâtres d’opération.

Cette tendance a pris de l’ampleur avec la fin de la guerre froide. Les réductions de format des armées ont mis de nombreux professionnels sur le marché du travail et ces derniers se sont tournés naturellement vers la sécurité privée. Et la fin d’un monde bipolaire a fait éclore de nombreux conflits locaux qui, sans enjeux pour les grandes puissances, ont contribué à l’essor de ces SMP, lequel s’est encore affirmé avec la nécessité pour les grandes multinationales de protéger leurs intérêts dans des pays instables. Et les attentats du 11 septembre ont encore accentué cette tendance, avec le recours accru du gouvernement américain à ces types d’entreprises, notamment dans le domaine du renseignement, où, selon une récente enquête du Washington Post, pas moins de 1.931 sociétés privées ont obtenu des contrats de la part de l’Etat américain.

Le marché de la sécurité privée est par ailleurs très alléchant. Il est estimé que les SMP anglo-saxonnes réalisent un chiffre d’affaires consolidés de 100 milliards de dollars. Seulement, intérêt économique ne rime pas forcément avec résolution des conflits et les dirigeants de ces entreprises peuvent être tentés de prolonger des situations qui leur garantissent quelques rentes.

Et comme l’a souligné le chef de bataillon Emmanuel Meyer, dans un long article publié par l’Alliance géostratégique en janvier dernier, « les opérations conduites par les SMP s’inscrivent toujours dans des vides juridiques. Ce sont des entreprises de droit privé agissant selon les termes d’un contrat. Ceci les place hors des règles juridiques régissant le déploiement des forces armées régulières. » Plus loin, l’officier, stagiaire au Collège Interarmées de Défense (CID) à l’époque, que « certains agents privés peuvent se considérer comme affranchis des règles éthiques et déontologiques normant l’exercice du métier des armes dans les sociétés occidentales et adopter des comportements de lansquenet ».

Cela étant, cette situation risque de changer. En effet, à l’initiative de la Suisse et d’associations industrielles, avec le soutien ‘des principaux clients gouvernementaux, d’organisations humanitaires et de la société civile », une soixantaine de SMP, dont Xe Services et DynCorp International ont signé, à Berne, ce 9 novembre, un code international de bonne conduite (ICoC) dont l’objectif est « d’alméliorer les normes industrielles » et surtout de « garantir un respect des droits humains et du droit humanitaire par les entreprises de sécurité privées ».

Ainsi, l’ICoC, qui a été élaboré au cours des 14 derniers mois, oblige notamment les sociétés qui l’ont signé à s’assurer que leurs employés « prennent toutes les mesures nécessaires pour éviter l’usage de la force ». Reste à voir désormais si ce code de bonne conduite sera effectivement respecté.

Par ailleurs, l’existence de cette charte pourrait sans doute faire avancer le dossier des SMP en France. En effet, l’activité de » mercenaire » est interdite par une loi votée en avril 2003. Depuis quelques mois, le Secrétariat général à la défense et à la sécurité nationale (SGDSN) conduit une réflexion à ce sujet, à la demande de l’Elysée, dans la plus grande confidentialité afin de revenir sur ce texte.

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