Quand l’administration Clinton cherchait un prétexte pour renverser Saddam Hussein

Si l’administration de George W Bush a exagéré la menace irakienne pour justifier l’opération Iraqi Freedom, il n’en reste pas moins que celle du président Clinton a partagé le même objectif, à savoir renverser Saddam Hussein.

On l’oublie sans doute trop souvent. Pendant le mandat de Bill Clinton, les tensions avec le régime de Bagdad ont été relativement fréquentes. A tel point qu’en décembre 1998, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont lancé contre l’Irak l’opération « Desert Fox » (Renard du désert), en réponse au manque de coopération du pouvoir irakien avec les inspecteurs de l’UNSCOM, chargés, selon la résolution 687 du Conseil de sécurité de l’ONU, de contrôler le démantèlement de ses armes de destruction massive.

Cette offensive de 4 jours a consisté à détruire des objectifs militaires et industriels, engageant 210 avions, 23 navires et 20.000 hommes. Au total, 415 missiles de croisières ont été tirés, 600 bombes larguées et l’aviation – RAF, US Air Force et aéronavale américaine – a effectué près de 600 sorties. Ainsi, selon le Pentagone, 9 sites irakiens de recherche et développement en matière de missiles ont été détruits, de même que 18 (sur 19) installations suspectes d’abriter un programme d’armes de destruction massive.

Par la suite, et jusqu’en 2003, les avions américains et britanniques bombarderont régulièrement des positions irakiennes situées dans les deux zones d’exclusions aériennes au nord et au sud du pays.

Ancien chef d’état-major interarmées, le général Hugh Shelton, actuellement en retraite, a évoqué un épisode pour le moins surprenant au sujet de cette période, dans ses mémoires (*) qu’il vient de publier et dont on retiendra surtout la perte du « biscuit » , c’est à dire la carte où figurent les codes du feu nucléaire, par le président Clinton, pendant quelques mois, en l’an 2000…

En fait, la scène relatée par le général Shelton s’est passée en octobre 1997. A cette époque, les avions américains et britanniques survolaient déjà régulièrement les zones d’exclusions aériennes, à la différence près qu’ils rompaient tout contact s’ils étaient accrochés par un radar irakien. Ainsi, aucun pilote n’a été abattu au cours de cette période.

Seulement, l’administration Clinton voulait mettre un terme à cette situation et trouver un prétexte pour intervenir militairement en Irak et faire chuter Saddam Hussein sans subir les foudres de la communauté internationale. D’où l’idée d’un conseiller que le général n’a pas souhaité nommer.

« Hugh, je sais que je ne devrais pas vous le demander, mais ce que nous avons besoin, c’est de précipiter les choses et d’avoir un prétexte pour y aller et renverser Saddam Hussein, quelque chose qui nous ferait bien voir dans le monde. Pourriez-vous laisser laisser voler un de nos U2 assez bas et assez lentement pour que Saddam puisse le descendre? » a ainsi été demandé au chef d’état-major.

Ce dernier, choqué que l’on puisse avoir l’idée de faire tuer un pilote américain dans de pareilles circonstances, a contenu la colère qui lui montait au nez pour répondre. « Bien sûr que nous nous pouvons » a-t-il alors dit. « Juste le temps de mettre vos fesses dans un avion pour que vous voliez aussi bas et aussi lentement que vous le voulez » a-t-il ajouté.

Le général Shelton a par la suite expliqué qu’il était choqué par le manque de respect et l’audace de cette requête. « Souvenez-vous que ce sont des américains de grande valeur qui volent à bord des U2, et vous me demandez d’en envoyer délibérément un ou une à la mort pour avoir l’opportunité de virer Saddam. (…) Nous ne faisons pas ça en Amérique » a-t-il alors lancé aux personnes présentes à la réunion. Selon lui, une telle demande ne lui a jamais plus été adressée.

(*) Whithout Hesitation : The Odissey of an American Warrior

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