Afghanistan : Morin et Gates sont presque sur la même ligne

En visite en Amérique du Nord jusqu’au 18 septembre, le ministre français de la Défense, Hervé Morin, a rencontré son homologue américain, Robert Gates, au Pentagone, afin d’évoquer les dossiers en cours, dont la situation en Afghanistan.

Ainsi, au cours d’une conférence de presse conjointe, le secrétaire américain à la Défense a estimé que les efforts de l’Otan étaient « en bonne voie » et que des signes de progrès étaient visible sur le terrain. Ce qu’Hervé Morin a confirmé.

« Notre plan de campagne fonctionne-t-il? Est-il établi qu’il s’agit bien de la bonne approche? » a demandé Robert Gates, avant de donner lui-même la réponse. « Les éléments recueuillis jusqu’ici par le général Petraeus (ndlr, le commandant de l’Otan en Afghanistan) suggèrent que c’est le cas, aussi bien sur le plan civil que militaire » a-t-il ainsi affirmé.

Pour autant, le patron du Pentagone reste prudent. « Je ne veux induire personne en erreur. C’est un combat difficile » a-t-il dit. Et d’ajouter : « Nous faisons face à de nombreux défis. Nous perdrons encore des vies ».

Si le ministre français partage le constat de son homologue, en revanche, il n’est pas sur la même longueur d’onde quant à fixer une date de retrait des troupes de l’Otan. Cette échéanche, fixée à juillet 2011 par l’administration Obama, suscite des réserves parmi les militaires américains, à commencer par le général Petraeus, lequel évoque cette éventualité qu’avec précaution.

« Il ne saurait y avoir un discours européen qui consisterait à annoncer maintenant notre départ » a-t-il affirmé avant d’expliquer que les insurgés en profiteraient pour « en tirer une force supplémentaire ». Ce qu’Hervé Morin a résumé par une formule : il n’est pas question de « tirer le tapis en Afghanistan ».

Par ailleurs, le ministre français a insisté sur les enjeux des opérations en cours sur le théaâtre afghan. « Il est difficile de comprendre que la sécurité du monde est en jeu en Afghanistan à quelque 6.000 kilomètres de chez nous et dans une région qui n’est pas traditionnellement une zone d’influence de l’Europe » a-t-il fait valoir.

Quant aux progrès évoqués par Robert Gates, notamment sur le plan civil, le député fraçais Axel Poniatowski, président de la Commission des Affaires étrangères à l’Assemblée nationale, en a donné le détail au cours d’un débat avec Michelle Demessine, sénateur communiste du Nord, retranscrit par le quotidien l’Humanité et sur son blog.

« (…) des progrès considérables ont été réalisés. En six ans, trois élections ont eu lieu (…) il y a un parlement de 249 députés, dont 68 femmes, ce qui en fait un des pays où la représentation féminine est la plus importante. 5 millions de réfugiés sont revenus. La Constitution a été adoptée en janvier 2004 et la loi garantit la liberté d’expression. On compte aujourd’hui 400 journaux, 80 radios, 30 chaînes de télévision. Sur le plan social, plus de 80% des Afghans ont aujourd’hui accès aux soins de sante. Le taux de mortalité infantile à chuté de 25%. 10.000 personnes ont pu être formées aux métiers de la santé et plus de 20% de la population a accès à l’eau potable. Et surtout 6 millions d’enfants vont à l’école, dont plus de 2 millions de filles. Sous les taliban, 50.000 garçons étaient scolarisés, et aucune fille. Enfin, 13.000 km de routes ont été réhabilités et la production d’électricité a triplé. Depuis 2001, le PIB a progressé de 70% » a-t-il énuméré.

Pour nuancer ce bilan, il ne faut pas oublier que le président Karzaï a été élu l’an passé avec des soupçons de fraudes, que la corruption, endémique dans le pays, sape les efforts de l’Otan, que l’insurrection est très active dans le sud et l’est du pays et enfin, que la production d’opium reste une des principales sources de revenus de l’Afghanistan. Quant aux libertés individuelles, l’on peut encore être condamné pour blasphème dans le pays, comme cela a été le cas d’un étudiant en journalisme, Sayed Perwiz Kambakhsh, en octobre 2007.

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