Accusé de « coups mortels », le gendarme est acquitté

Le 22 mai 2008, Joseph Guerdner, un Gitan de 27 ans et père de 3 enfants, est placé en garde à vue à la gendarmerie de Brignoles pour son contrôle judiciaire, conséquence d’une condamnation pour avoir foncé sur des gendarmes deux ans plus tôt.

Seulement, cet homme qui a fait l’objet de multiples procédures pour vols avec violences, est placé en garde à vue par les gendarmes. En effet, ces derniers le soupçonnent alors d’avoir pris part à l’agression et à la séquestration d’un chauffeur routier quelques semaines plus tôt.

Le suspect est ensuite transféré à la brigade de recherche de la gendarmerie de Draguignan pour y être entendu. Le lendemain au soir, menotté et les chevilles entravées, Joseph Guerdner demande l’autorisation de fumer une cigarette. Ce qui lui est accordé. Le maréchal des logis-chef Christophe Monchal, qui affiche par ailleurs d’excellents états de service, l’escorte dans une cage d’escalier, près d’une fenêtre ouverte. La minuterie s’éteint et le suspect en profite pour fausser compagnie au sous-officier en sautant par l’ouverture.

Le gendarme fait alors feu à 7 reprises sur le fugitif. Ce dernier, touché par trois projectiles, réussit néanmoins à franchir les grilles et à trouver refuge dans la cour d’une institution religieuse toute proche. Mais, grièvement touché, Joseph Guerdner meurt.

Par la suite, le sous-officier est placé en détention provisoire, puis mis en examen pour « coups mortels par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions », ce qui suscitera un mouvement de grogne parmi ses collègues, lequel obligera même le directeur de la gendarmerie à venir sur place pour calmer les choses.

Finalement, au terme de l’instruction, le militaire bénéficie d’un non-lieu, conformément à l’avis de parquet, le juge ayant estimé que les conditions pour que le gendarme ouvre le feu sur le fugitif étaient réunies.

L’affaire aurait pu en rester là. Sauf que les proches de Joseph Guerdner ont fait appel de cette décision. Lequel a été accepté par la chambre d’instruction, qui a ordonné, à la fin de l’année 2009, un renvoi aux assises du gendarme, au motif que ce dernier avait « une possibilité d’alerter les autres militaires et d’organiser une course-poursuite », compte tenu du fait que le fugitif n’avait pas la pleine faculté de ses mouvements.

C’est donc sous la surveillance des CRS que s’est tenu, à partir du 13 septembre, le procès du gendarme, lequel a comparu devant la cour d’assise du Var, dans un box aux vitres blindées.

« Je regrette les faits mais il fallait malheureusement faire son travail ce jour-là » a déclaré Christophe Monchal, actuellement adjudant en Polynésie française. « Je suis bien l’auteur des coups de feu mortetls, cette affaire est pour moi et pour la famille dramatique » a-t-il poursuivi lors de la première audience.

Pour les avocats de la partie civile, le militaire « avait d’autres moyens pour arrêter la fuite de Joseph Guerdner. Quant aux conseils du gendarme, ils se sont retranchés derrière le règlement militaire, dont le décret de 1903 sur l’usage des armes, qui indique que « dans le cas où il y a rébellion de la part des prisonniers ou tentative d’évasion, le commandant de l’escorte, dont les armes doivent être toujours chargées, leur enjoint de rentrer dans l’ordre par les mots : « Halte ou je fais feu ». Si cette injonction n’est pas écoutée, la force des armes est déployée à l’instant même pour contenir les fuyards ou les révoltés. »

Au terme des débats, l’avocat général a rendu ses réquisitions en faisant valoir que le sous-officier « ne peut pas être pénalement condamné » et demandé son acquittement. « Il ne s’agit pas de délivrer un permis de tuer, mais de constater que Monchal a agi conformément à ce qui lui a été enseigné. Il a agi dans le cadre légal, il n’a pas agi pour commettre une infraction pénale » a-t-il déclaré.

« Ce qui me paraît malsain, c’est qu’on autorise les gendarmes à faire usage de leurs armes, et qu’ensuite on leur reproche. On met les gendarmes dans des situations impossibles. Si on ne veut plus que les gendarmes fassent usage de leur arme, il faut avoir le courage politique de modifier le cadre légal et d’aligner leur statut sur celui des policiers » a poursuivi l’avocat général.

Finalement, les jurés de la cour d’assise ont suivi les réquisitions de l’avocat général et ont ainsi acquitté l’adjudant Monchal. Cette décision a provoqué la colère des proches de Joseph Guerdner. « La justice n’a pas été rendue, on va se venger, il a été assissiné » a-t-on pu entendre près du palais de justice. Quoi qu’il en soit, cette affaire est désormais close.

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