La vente de BPC « Mistral » à la Russie une nouvelle fois remise en cause

Voilà plus d’un an maintenant qu’il est question que la Russie achète quatre bâtiments de projection et de commandement (BPC) de classe Mistral à la France. Ce type de navire est en fait polyvalent. Outre le fait qu’il peut servir de porte-hélicoptères, il est aussi un bateau amphibie, capable d’accueillir une poste de commandement interarmées, un hôpital et d’embarquer une force de combat de 450 hommes avec 70 véhicules.

Depuis l’annonce de l’intêret de la Russie pour le BPC, la France et la Russie ont annoncé des négociations exclusives en mars dernier, à l’occasion du visite du président Dmitri Medvedev à Paris. En juillet, son homologue français, Nicolas Sarkozy, a indiqué aux salariés de STX France (ex-Chantiers de l’Atlantique), qu’ils allaient fabriquer deux des quatre navires voulus par Moscou.

Cela étant, les discussions concernant cette vente ne sont pas encore terminées et manifestement, il reste encore à trouver un accord au sujet des transferts de technologie. En effet, sans ses équipements électroniques, comme par exemple son système de conduite et de contrôle pour la gestion des mouvements d’hélicoptères dans une zone d’opérations, un BPC Mistral est aussi utile qu’un ferry, d’autant plus qu’il est construit selon des normes civiles.

Cependant, le projet d’achat de ce type de bâtiment à la France ne semble pas faire l’unanimité en Russie. Et à commencer dans les cercles rapprochés du pouvoir. Ainsi, le vice-Premier ministre, Igor Sechin, qui a par ailleurs la haute main sur le Groupe russe unifié de construction navale (OSK), souhaiterait une collaboration avec la Corée du Sud, plus précisément avec la firme Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering (DSME), susceptible de céder une licence à Moscou pour fabriquer en Russie des porte-hélicoptères de la classe Dokdo.

Mais là encore, la question de l’électronique embarquée posera problème, étant donné que les bâtiments de type Dokdo intégrent des technologies américaines et qu’il est loin d’être acquis que Washington donne son accord pour qu’elles soient utilisées par la marine russe. A moins que des systèmes de conception locale soient développés à cet effet. Mais dans ce cas, la question des transferts de technologie, posée par Vladimir Poutine en juin dernier au sujet des BPC français, n’aurait aucun sens.

Toujours est-il que, selon le quotidien russe Kommersant, Moscou aurait finalement décidé de lancer un appel d’offres ouvert à tous les prétendants possibles du marché, ce qui inclut, outre STX France et DCNS (BPC Mistral), le groupe espagnol Navantia (Juan Carlos), les chantiers navals néerlandais de Damen Schelde (Johan de Witt) et Daewoo Shipbuilding & Marine Engineering.

A Paris, l’on affiche de la sérénité sur cette question. « La France ne voit aucune raison de s’inquiéter des développements » a fait valoir la présidence française. « Les conversations se poursuivent normalement dans un excellent contexte » a encore précisé l’Elysée. Au ministère de la Défense, Laurent Teisseire a indiqué n’avoir « aucun élément qui permette de confirmer » les informations de Kommersant. « Les négociations se poursuivent selon les orientations et les principes fixés lors des rencontres entre les chefs d’Etat et de gouvernement » a-t-il affirmé.

Reste à savoir pourquoi un journal comme Kommersant a publié cette information. Ce quotidien est la propriété d’Alisher Usmanov, un oligarque russe passionné d’escrime, qui a fait fortune dans l’industrie métallurgique avec son conglomérat Metalloinvest. Il est actuellement directeur général de Gazprominvestholding, en charge des investissements de Gazprom, et possède la holding Red and White, laquelle est le second actionnaire du club de football londonien d’Arsenal.

Le président russe et Alisher Usmanov ont un point commun. Ou plutôt un ennemi commun, en la personne de Igor Sechin (*), lui-même proche de Vladimir Poutine. Par conséquent, on ne peut pas le soupçonner de vouloir servir les intérêts du patron des chantiers navals russes dans cette affaire, via un organe de presse..

(*) Eurasia Intelligence Report, 21 juillet 2010

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]