Les inondations servent les intérêts des islamistes pakistanais

Près de 1.600 morts, 14 millions de personnes concernées, des risques d’épidémies et de pénuries… les inondations qui touchent la vallée de Swat et le centre du Pakistan sont un véritable tragédie. Pour faire face à cette crise humanitaire, les Nations unies ont lancé un appel aux dons pour récolter 460 millions de dollars.

Les Etats-Unis, pour qui le Pakistan est un pays clé pour la lutte contre les réseaux terroristes et les opérations en Afghanistan, ont d’ores et déjà débloqué une aide de 76 millions de dollars et déployé un porte-hélicoptères au large de Karachi afin d’acheminer des produits de première nécessité aux sinistrés.

« Les inondations au Pakistan sont potentiellement plus catastrophiques pour le pays que l’a été le tremblement de terre il y a quelques années » a expliqué Robert Gates, le secrétaire américain à la Défense. Selon le porte-paroles du Pentagone, Geoff Morrell, les 19 hélicoptères mobilisés ont permis de venir au secours de 3.000 personnes et de livrer 146 tonnes d’aide.

Seulement, il n’est pas certain que l’intervention de Washington dans cette crise humanitaire mette un terme à l’anti-américanisme de la population pakistanaise, d’autant plus que les islamistes locaux sont à pied d’oeuvre. C’est notamment le cas de l’organisation caritative Jamaat-ûd-Dawa, liée au Lashkar-e-Taîba, accusé d’être responsable des attentats de Bombay en novembre 2008, très active sur le terrain, quitte à se substituer parfois à des autorités pakistanaises dépassées par les évènements.

Selon un de ses responsables pour la province de Khyber Pakhtunkhwa, la Jamaat-ûd-Dawa serait venue en aide auprès de 250.000 personnes, en leur fournissant de la nourriture, des vêtements, des médicaments, du matériel et l’équivalent de 44 euros en liquide. De leur côté, le mouvement taleb pakistanais (TTP) n’est pas en reste. Après avoir appelé Islamabad à refuser toute aide étrangère, l’organisation a indiqué qu’elle pouvait donner 20 millions de dollars pour les sinistrés.

Sans doute que les islamistes profiteront de la pire catastrophe humanitaire de l’histoire pakistanaise pour recruter de nouveaux militants, redorer leur blason, terni par leurs attaques régulières et critiquer les insuffisances des autorités. Cela étant, il est encore trop tôt pour le dire.

Tout comme le fait de savoir si les islamistes pakistanais tireront profit des conséquences économiques de ces intempéries. Ces dernières pourraient coûter 1,8 milliards d’euros au Pakistan, sans compter les pertes de récoltes alors que l’agriculture est le premier secteur économique du pays. Et tout cela est suceptible de favoriser une flambée des prix, avec à la clé une impopularité probablement croissante du gouvernement d’Islamabad.

Mais il est certain que ces pluies torrentielles ont une conséquence immédiate sur les opérations militaires dirigées contre les militants du TTP et leurs allié étant donné la mobilisation de l’armée pakistanaise pour venir en aide aux sinistrés. Pour le général Athar Abbas, son porte-parole, il est possible à la fois de mener les opérations de sauvetage et lutter contre le TTP. Cela étant, il n’en reste pas moins que la tâche est plus que difficile.

Par exemple, dans la zone tribale du Sud-Waziristan, l’ancienne base arrière du TTP. Déjà, les vols d’hélicoptères pour surveiller la région ont sensiblement diminué et la destruction d’ouvrage d’art – 14 ponts ont été emportés – favorise les petits groupes mobiles insurgés par rapport aux grands mouvements de troupes.

D’une manière générale, la situation humanitaire et les mauvaises conditions météorologiques, ralentissent les opérations contre les taliban pakistanais. Même les drones de la CIA, qui mènent des raids ciblés contre les dirigeants islamistes, sont contraints à l’inactivité.

Etant donné que, de plus, la majeure partie des militants islamistes ont trouvé refuge sur les hauteurs du Nord-Waziristan et que, par conséquent, ils ont été épargnés par les inondations, le mouvement taleb pakistanais a donc toute latitude pour se réorganiser et tenter de remédier aux pertes qu’il a subies lors des différentes opérations de l’armée.

Par ailleurs, il est à craindre que les insurgés afghans, qui trouvent refuge dans les zones tribales pakistanaises, puissent en profiter pour intensifier leurs attaques en Afghanistan. Pour le moment, seul le ravitaillement des troupes de l’Otan est retardé. En effet, certaines voies de circulation sont coupées et les chauffeurs des camions ont mieux à faire pour le moment.

Cela étant, l’ambassade américaine à Islamabad a minimisé les retards des convois logistiques à l’intention de l’Otan passant par le pakistan, en faisant valoir que cela n’a pas d’impact « significatif » pour le moment.

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