BPC : Poutine met la pression

En matière contrats d’armement, mieux vaut ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué… Cet adage se vérifie avec le dossier du Rafale au Brésil, qui traîne en longueur, après l’annonce faite par le président Lula en faveur de l’avion de Dassault Aviaton à l’occasion d’une rencontre officielle avec son homologue français, Nicolas Sarkozy, en septembre 2009.

Depuis, la décision de Brasilia a été reportée à plusieurs reprises et on ne devrait pas connaître le nom du futur chasseur de l’aviation brésilienne avant octobre, voire au début de l’année prochaine, c’est à dire après l’élection présidentielle et la mise en place d’une nouvelle équipe gouvernementale.

Quant au projet d’achat, par la Russie, d’un Bâtiment de projection et de commandement (BPC) de la classe Mistral, Moscou souffle le chaud et le froid. En mai dernier, le ministre russe de la Défense, Anatoli Serdioukov, indiquait que son pays menait des « négociations de précontrat » pour quatre navire avec l’Espagne (Navantia avec le Juan Carlos), les Pays-Bas (Damen Schelde avec le Johan de Witt) et la France.

Pourtant, lors de sa venue officielle à Paris en mars, le président russe, Dmitri Medvedev, avait fait savoir que le navire français avait été retenu et que des négociations exclusives allaient être ouvertes. Cette annonce avait été confirmée le 21 avril dernier par le directeur du Service fédéral de coopération technique et militaire, Mikhaïl Dmitriev, qui avait alors indiqué que la décision politique d’acquérir des BPC français avait été prise.

Rappeler le nom des concurrents dans une phase de négociations est une façon de mettre la pression sur le vendeur. De même que de laisser entendre qu’il y aurait sans doute des difficultés dans les discussions, comme l’a fait le premier ministre russe, Vladimir Poutine, à la veille de sa venue en France, la semaine passée.

Pour rassurer notamment les pays baltes et la Géorgie, ainsi que les alliés de l’Otan, qui ne voient pas forcément d’un bon oeil la vente de BPC à la Russie, le président Sarkozy avait assuré que les navires seraient livrés sans « équipement militaire ». Et c’est un point qui semble poser problème car pour Moscou, dont les chantiers navals sont loin d’être au niveau, la question des transferts technologiques est primordiale.

Un BPC Mistral livré sans ses équipements électroniques et ses moyens de communications, et a fortiori sans son système de conduite et de contrôle aérien pour gérer les mouvements d’hélicoptères dans des zones de conflits, ce serait un peu comme vendre un gros ferry étant donné que ce type de navire est construit selon des normes civiles. Et en matière d’informatique embarquée, l’industrie russe a quelques trains de retard…

« Dès lors qu’on veut que la Russie se comporte comme un partenaire, il faut la traiter comme un partenaire, y compris en matière de sécurité et de défense » a ainsi déclaré le président Sarkozy, la semaine passée. Est-ce à dire que Paris consentira à des transferts technologiques en faveur de Moscou? Sans doute car le chef de l’Etat a dans le même temps souligné que si la vente de BPC Mistral « a des avantages économiques pour la France » – et les chantiers navals STX ont besoin de cette commande russe – elle constitue « avant tout un signal politique que la France voulait envoyer à la Russie ».

« La négociation maintenant se poursuit au niveau technique avec une volonté de part et d’autre de l’accélérer » a ensuite fait valoir l’Elysée. Il restera également à voir le nombre de BPC qui sera construit en France, sachant que les Russes voudraient que trois des quatre exemplaires qu’ils comptent acheter le soient chez eux.

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