Drones MALE : Dassault et Thales font le forcing

Résumons : l’armée de l’Air française risque, dans un avenir proche, de se trouver en rupture capacitaire avec ses actuels systèmes intérimaires de drones MALE (SIDM – moyenne altitude longue endurance), en l’occurrence des Harfang livrés en 2008.

La solution pourrait passer par un renforcement et une modernisation de la flotte actuelle d’Harfang, livrés par EADS, en coopération avec la firme israélienne IAI. Mais cela « ne suffira pas à répondre au besoin opérationnel jusqu’en 2015 : le risque de rupture sera peut être repoussé en 2013 mais tout cela est extrêmement incertain tant les conditions d’emploi en Afghanistan sont difficiles. Il est donc nécessaire de doter l’armée de l’Air de vecteurs supplémentaires » ont noté, dans un récent rapport, les députés Yves Vandewalle et Jean-Claude Viollet.

D’autre part, si de nouveaux exemplaires de drones Harfang sont commandés, les relations entre EADS et IAI font qu’ils ne pourraient pas être livrés avant deux ans. D’où la recommandation des deux parlementaires d’envisager l’achat de systèmes différents.

Pragmatique, le ministère de la Défense a engagé des négociations avec la société américaine General Atomics pour l’acquisition de Predator B, qui ont fait leurs preuves. Seulement voilà, si cette option est retenue, cela voudra dire qu’elle s’inscrira dans le long terme et qu’il ne s’agira pas d’attendre qu’une solution française, voire européenne soit prête : entretenir deux petites flottes de systèmes de drones différents reviendrait beaucoup trop cher au final.

Et cette perspective n’enchante pas les industriels français, en l’occurrence Dassault Aviation et Thales, ainsi qu’EADS. Un chiffre explique cette opposition : le marché des drones passera de 4,9 milliards de dollars par an à 11,5 milliards en 2020. Autrement dit, c’est un gros fromage que les Etats-Unis s’adjugent à hauteur de 60%, le reste allant notamment aux entreprises spécialisées israéliennes.

Le groupe EADS a pourtant un projet ambitieux pouvant concurrencer à terme le Predator américain, avec le développement du drone Talarion (encore appelé Advanced UAV pour Unmanned Aerial Vehicule). Le constructeur aéronautique a proposé une offre à la France, à l’Allemagne et à l’Espagne portant sur une livraison de 45 exemplaires pour 2,9 milliards d’euros. Seulement, la solution d’EADS n’a pas encore convaincu et de toute façon, les premiers drones de ce type ne pourraient pas être livrés avant 2016. Donc, trop tard pour éviter une éventuelle rupture capacitaire de l’armée de l’Air.

Quant à Dassault et Thales, ils se sont alliés avec l’espagnol Indra pour développer le SDM (Système de drone Male), basé sur le Heron TP de IAI. Pour trois systèmes, la facture s’éleverait à 700 millions d’euros et le premiers exemplaires pourraient être mis en service dès 2013, voire 2014, à condition que les commandes soient notifiées cette année (il faut compter un délai de 48 mois au maximum).

« Nous avons besoin d’une décision » a ainsi déclaré, le 9 juin, Eric Trappier, le directeur général international de Dassault Aviation, lors d’une conférence de presse commune avec Thales. Et d’en appeler au lancement d’un appel d’offres pour le remplacement des drones Harfang. Cette initiative a été par ailleurs saluée par Louis Gallois, le président d’EADS.

Pour Eric Trappier, l’éventuel achat de Predator B est une question de souveraineté nationale. « Certes, il existe des contraintes budgétaires mais nous avons besoin de ces budgets pour préparer l’avenir et maintenir des bureaux d’études. Je vois mal la France être absente du secteur des drones, devenu stratégique » a-t-il estimé.

« Nous proposons le SDM mais nous sommes également ouverts à des coopérations européennes » a-t-il également affirmé, en précisant qu’une alliance avec le britannique BAE Systems pouvait être envisagée. « La France, si elle veut garder toute sa place dans ce domainen doit faire un choix même si elle ne développe pas toute seule ses drones. Je serais très surpris si elle décidait d’acheter sur l’étagère à 100% américain » a-t-il ajouté.

Vidéo : Présentation du SDM par Dassault Aviation.

Note: Zone Militaire précise qu’il n’entretient aucun lien avec les entreprises citées dans cet article. De toute façon, et au contraire de leurs homologues américains, les industriels français du secteur de la défense ne communiquent pas sur les blogs (ou que très rarement).

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