Grave incident naval au large de la bande de Gaza

Depuis l’arrivée au pouvoir du Hamas, Israël impose un blocus à la bande de Gaza afin d’empêcher les livraisons d’armes aux différents mouvements responsables des tirs réguliers de roquettes en direction du territoire israélien et de faire aussi pression pour obtenir la libération de Gilad Shalit, un caporal de Tsahal fait prisonnier en juin 2006 au cours d’une opération commando d’activistes palestiniens.

Selon un rapport récent du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ce blocus, qui ne concerne pas les produits de première nécessité, entraverait la reconstruction des bâtiments et des infrastructures de la bande de Gaza détruits lors de l’opération « Plomb durci », menée en décembre 2008.

Ce à quoi le bureau de presse du gouvernement israélien a répondu en donnant l’adresse d’un restaurant « gastronomique » situé dans ce territoire palestinien afin de démontrer que la situation n’est pas aussi désespérée que le document de l’ONU le prétend. Cela étant, il n’en reste pas moins que 80% de la population palestinienne dépend de l’aide internationale.

Dans ce contexte, le mouvement Free Gaza a mis sur pied une flotille de 6 navires pour forcer le blocus de Gaza, lequel est par ailleurs contesté par la communauté humanitaire.

Avec à leur bord près de 700 passagers – dont des élus européens et le nord-irlandais Mairead Corrigan, le prix Nobel de la paix 1976 – ainsi qu’une cargaison supposée d’aide humanitaire, les six bateaux de la « flotille de liberté » a appareillé de Chypre pour accoster à Gaza aux alentours du 30 mai. Ce n’est pas la première fois que Free Gaza tente de forcer le blocus israélien. Depuis août 2008, au moins 7 tentatives ont été réalisées, dont 5 ont été réussies.

Cependant, les autorités israéliennes avaient prévenu : la « flotille de la liberté » sera appelée à faire demi-tour et, en cas de refus, ses bateaux seraient arraisonnés puis conduits à un port israélien, leurs passagers interpellés, puis renvoyés dans leur pays d’origine, leur cargaison transférée à Gaza après inspection.

Le commandant de la marine israélienne, le contre-amiral Eliezer Marum, avait « donné aux forces navales des consignes d’opérer avec la plus grande sensibilité et d’éviter de tomber dans les provocations ».

Seulement voilà, le face à face entre la marine israélienne et la « flotille de la liberté » a dérapé, ce 31 mai, dans les eaux internationales, au large de la bande de Gaza. En effet, et selon un dernier bilan, entre 10 et 20 passagers d’un des navires du mouvement Free Gaza, le Mavi Marmara, battant pavillon turc, ont été tués lors d’une intervention des commandos israéliens.

Selon les militants pro-palestiniens, les soldats israéliens auraient ouvert le feu dès qu’ils auraient posé le pied sur le pont du bateau turc. Cette version des faits est contestée par la Marine israélienne.

En effet, pour cette dernière, il avait été demandé à la flotille de rebrousser chemin et de se rendre au port d’Ashdod. Comme cette injonction n’a pas été suivie d’effet, la marine israélienne a décidé d’intervenir.

Ainsi, d’après l’armée israélienne, des militants de Free Gaza ont attaqué les commandos à coups de couteaux et de barres de fer. Toujours de source israélienne, 6 militaires ont été blessés, dont certains par des tirs d’arme à feu. « C’était un véritable lynchage » a ainsi expliqué un officier israélien dans les colonnes du Jerusalem Post. « Ces personnes étaient tout sauf des pacifistes » a-t-il ajouté.

« Nous avons fait tous les efforts possibles pour éviter cet incident » a déclaré Mark Regev, le porte-parole du Premier ministre israélien, Benyamin Netayahou. « Face à la nécessité de défendre leur vie, les soldats ont employé des moyens anti-émeute et ont ouvert le feu » a précisé un communiqué de l’armée israélienne.

« La marine agit selon les ordres et les consignes de tirs sont très claires. Les soldats avaient été prévenus de ne pas céder à des provocations » a indiqué le général Avi Benayahou, le porte-parole de l’armée israélienne. « La marine avait auparavant mis au point des modèles pour préparer cette opération, mais parfois la vie est plus compliquée que les modèles. Nous nous étions préparés à une mission policière pour faire face à des violences, mais nous avons été confrontés à une violence à caractère terroriste » a-t-il expliqué.

Reste que ce grave incident a provoqué la condamnation – du reste attendue – du monde arabe. Ainsi, la Ligue arabe a indiqué qu’elle tiendra, le 1er juin, une réunion extraordinaire au Caire « pour adopter une position collective ». Pour son secrétaie général, Amr Moussa, les événements au large de Gaza sont « un crime contre une mission humanitaire » et montrent qu’Israël « ne veut pas la paix ».

Le Liban, par la voix de son Premier ministre, Saad Hariri, a estimé que « l’attaque israélienne contre le convoi d’aide représente une étape dangereuse et folle qui va exarcerber les tensions dans la région ». Quant au Hamas, ses responsables ont appelé « tous les Arabes et les musulmans à se soulever devant les ambassades sionistes dans le monde entier ».

Allié d’Israël jusqu’à une date récente, la Turquie a parlé de « conséquences irréparables » sur ses relations bilatérales avec l’Etat hébreu. « Quelle que soit la raison, une telle action contre des civils impliqués seulement dans des activités pacifiques est inacepptable » a indiqué le ministère turc des Affaires étrangères. « Israël devra supporter les conséquences de cette attitude, qui constitue une violation de la loi internationale » a-t-il ajouté.

Plusieurs pays de l’Union européenne ont jugé « disproportionnée » l’attaque israélienne et demandé l’ouverture d’une enquête sur cet incident. C’est notamment le cas de la France dont le président, Nicolas Sarkozy, a exigé « toute la lumière sur cette tragédie », mais aussi celui des Pays-Bas, de l’Allemagne, de l’Espagne, de la Belgique et de la Suède. Ces pays ont convoqué leurs ambassadeurs israéliens respectifs afin d’obtenir  » des explications » et des « éclaircissements ». La Grèce a quant à elle mis en suspens ses relations militaires avec Israël en annulant un exercice conjoint prévu le 1er juin et la visite du chef d’état-major de ses forces aériennes à son homologue israélien.

La Grande-Bretagne a déploré les pertes humaines de cet incident. « Notre ambassade est en contact urgent avec le gouvernement israélien. Nous demandons plus d’informations et un accès urgent à tous les Britanniques impliqués » a indiqué le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague. « Il sera important d’établir les faits sur cet incident, et en particulier si tout a été fait pour prévenir ces morts et ces blessés » a-t-il ajouté.

Enfin, alliés traditionnels d’Israël, les Etats-Unis « regrettent profondément les pertes en vies humaines et travaille actuellement à comprendre les circonstances entourant cette tragédie » a fait savoir William Burton, le porte-parole de la Maison Blanche.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]