Vers une baisse des dépenses militaires de la Grèce et de la Turquie?

Par rapport au Produit intérieur brut (PIB), le budget militaire de la Grèce est le plus important de l’Union européenne. Ainsi, en 2007, ce dernier a atteint 9,3 milliards de dollars, soit 3,3% de son PIB.

L’explication du haut niveau des dépenses militaires grecques réside dans la rivalité qui oppose Athènes à Ankara depuis plusieurs dizaines d’années. Bien que les deux pays sont membres de l’Otan, il n’empêche qu’ils ont connu des tensions graves, au point d’être à deux doigts d’entrer dans un conflit.

Parmi les différents contentieux entre la Grèce et la Turquie, et outre les problèmes liés à l’immigration clandestine (la première accusant l’autre de laxisme en la matière), il y a bien évidemment la question de Chypre. L’équilibre institutionnel de cet ancien territoire britannique, devenu indépendant en 1960, qui était à la fois garanti par le Londres, Ankara et Athènes, vola en éclat en 1974 avec une tentative de coup d’Etat fomenté par des Grecs pour rattacher l’île à leur pays et réaliser ainsi l’Enosis. En réaction, la Turquie envoya son armée, qui occupe toujours de nos jours le nord de Chypre, à majorité turcophone.

Plus récemment encore, en 1996, la tension entre les deux pays avait atteint un maximum au sujet de la souveraineté revendiquée de deux îles inhabitées en mer Egée. Cet incident, qui avait failli dégénérer militairement, symbolise les différends territoriaux (qui concerne également les espaces maritimes et aériens) entre la Grèce et la Turquie. A cela s’ajoute les intrusions relativement fréquentes d’appareils militaires turcs au-dessus de la mer Egée. Dernier incident notable en date : en 2006, un pilote grec avait trouvé la mort lors d’une collision entre avions de combat.

D’où la réticence de la Grèce à diminuer ses dépenses militaires. Une réticence d’autant plus justifiée que les rapports entre l’armée et le pouvoir civil turc sont plutôt tumultueux et tardent à se normaliser.

Seulement, menaces turques ou pas, Athènes sera bien obligée de réduire le budget alloué à son armée, compte tenu de la situation désastreuse de ses finances publiques, qui a contraint le Fonds monétaire international (FMI) et l’Union européenne à intervenir en échange de l’adoption d’un plan d’austérité drastique.

Pour l’instant, la Grèce a prévu de réduire ses dépenses militaires à 6 milliards d’euros pour cette année, ce qui représente encore 2,8% de son PIB, et de reporter sa décision concernant l’acquisition de navires de type FREMM. Sans doute pourrait-elle aller encore plus loin si il est mis un terme à la mini guerre froide qui l’oppose à son voisin.

« Il est temps de réduire les dépenses militaires dans les deux pays. Ni la Grèce ni la Turquie n’ont besoin de sous-marins allemands ou français » a déclaré, la semaine passée, Egem Bagis, le ministre turc en charge des négociations d’adhésion à l’Union européenne.

De son côté, le ministre-adjoint grec de la Défense, Panos Beglitis, a demandé à Ankara « une pratique de respect du droit international et des traités internationaux pour créer un climat de confiance et de sincérité, pour avancer graduellement vers la diminution des armements ».

Aussi, la visite en Grèce du Premier turc, Recep Tayyip Erdogan, le 14 mai dernier, marque sans doute le début d’une nouvelle ère entre les deux pays. « Nous ne souhaitons par voir la mer Egée comme une mer qui nous sépare. Nous voulons voir l’Egée comme un océan de paix » a-t-il ainsi déclaré. « Les deux pays ont d’énormes budgets de défense. Nous devons réduire ces dépenses et utiliser l’argent à d’autres fins » a-t-il encore proposé à son homologue grec, George Papandreou.

Ce dernier a estimé que « malgré les fluctuations qui ont affecté nos relations, et peut-être à cause d’elles, la Grèce et la Turquie ont le devoir de trouver des bases de coopération et de compréhension. Cela débouchera sur une normalisation complète de ces relations ».

Ainsi, et comme il faut un début à tout, Athènes et Ankara ont signé 21 accords bilatéraux concernant aussi bien les domaines du tourisme que l’énergie, l’environnement, ou encore l’immigration clandestine.

Cela suffira-t-il à mettre un terme à la rivalité qui oppose ces deux pays. En attendant, lors d’une conférence rassemblant des hommes d’affaires des deux nations, le vice-Premier ministre grec, Theodore Pangalos, a fait par d’un sentiment de « honte nationale chaque fois » qu’il est « obligé d’acheter des armes dont » son pays n’a « pas besoin, si l’on se base sur une estimation correcte des dangers que le monde représente pour la Grèce. » « Je sais que de l’autre côté de la frontière aussi, les Turcs achètent des armes dont ils n’ont pas besoin (…) à cause d’une menace imaginaire née d’une confrontation politique qui peut et doit être résolue » a-t-il ajouté.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]