La 317e Section au Festival de Cannes
Prenez « Le jour le plus long », avec sa pléiade d’acteurs célèbres. Puis comparez avec « Il faut sauver le soldat Ryan » de Spielberg. A trente ans de distance, vous vous apercevrez que la façon de filmer la guerre au cinéma a énormément évolué et que, de nos jours, le réalisateurs ne craignent pas – ou plus – de montrer sur le grand écran la réalité de la guerre.
Regardez maintenant la 317e section. Filmé il y a maintenant 46 ans, avec peu de moyens au milieu de la jungle cambodgienne, ce long-métrage n’a pas pris une ride, oserait-on dire, tant son réalisateur, Pierre Schoendoerffer, a fait preuve d’avant-gardisme dans sa façon de fixer la guerre sur la pellicule.
Car on ne rergarde pas la 317e Section : on est avec cette section de supplétifs tentant d’échapper aux « Viets » et commandée par le jeune – donc inexpérimenté – sous-lieutenant Torrens (Jacques Perrin), secondé par l’adjudant Willsdorf (Bruno Cremer), un Alsacien « malgré nous » qui a connu le front de l’Est sous l’uniforme allemand et qui fait la guerre en Indochine depuis 1946.
Ce qui fait que ce long-métrage n’est pas un film de guerre comme les autres, c’est que la caméra de Schoendoerffer est en quelque sorte l’oeil du spectateur. D’ailleurs, on pourrait le prendre pour un reportage, ce qu’il n’est pas, à la différence de la Section Anderson (*), sujet d’un documentaire du même réalisateur, produit trois ans plus tard.
Alors que, d’une manière générale, les films du genre exaltent un certain « héroïsme » qui confine à l’absurde (vous savez, le type qui passe au travers de toutes les balles tirées par une mitrailleuse pour aller sauver son camarade blessés tout en balançant un régime de grenades pour sauver son unité), la 317e section montre, qu’au contraire, le vrai courage ne consiste pas forcément à rejouer la charge de la brigade légère et qu’au contraire, il réside dans des décisions douloureuses à prendre et dans le sacrifice que l’on est prêt à accomplir au bénéfice de tous.
« Un fusil-mitrailleur bien servi, ça vaut du monde, Roudier (le sergent gravement blessé, ndlr) ça valait quoi lui? Une vitesse d’escargot et Roudier est mort quand même, alors… » dit Willsdorf dans le film afin d’expliquer la raison pour laquelle il a risqué sa vie pour récupérer une arme sous le feu ennemi. « Je vais vous dire quelque chose mon lieutenant. Quand on fait la guerre, il y a une chose dont il faut être sûr. C’est que l’objectif à atteindre justifie les pertes, sans ça, on ne peut pas commander » expliquera un peu plus tard le même Willsdorf.
En fait, ce film ne porte pas tant sur la vie militaire, mais surtout sur la condition humaine vue au travers d’une expérience militaire. C’est sans doute cela qui explique son succès et le fait qu’il ait traversé le temps sans avoir vieilli.
Cela étant dit, une version restaurée de la 317e Section sera présentée ce 17 mai au Festival de Cannes, 45 ans après avoir obtenu le prix du scénario sur la Croisette. Une « performance », d’autant plus que la guerre d’Indochine a été très peu abordée au cinéma, voire pas du tout (hormis, encore une fois, les films de Schoendoerffer).
Les anciens de cette guerre s’estiment oubliés. Sans doute parce que certains détails de ce conflits sont susceptibles de gêner quelques mouvements politiques favorables à ceux qui combattaient les soldats du corps expéditionnaire français… (n’oublions pas les camps de la mort Viet et les blessés débarqués en catimini à Marseille pour éviter les manifestions hostiles de syndicalistes).
Puisse la programmation de ce film dans sa version « restaurée » réparer pendant le temps de sa diffusion cette injustice.