L’A400M à nouveau menacé

En 2003, sept pays de l’Otan ont commandé 180 exemplaires de l’A400M, le futur avion de transport européen, pour 20 milliards d’euros. Depuis, le développement de l’appareil a rencontré des difficultés, liées aux demandes respectives des clients – chacun ayant des impératifs que d’autres ne partagent pas forcément – mais aussi à une mauvaise architecture industrielle du constructeur Airbus Military, filiale du groupe EADS.

Au printemps 2009, les pays clients auraient pu renoncer à leurs commandes et se tourner vers la concurrence américaine. Seulement, un moratoire a été décidé afin de tout remettre à plat. Les discussions actuellement engagées portent surtout sur la prise en charge des surcoûts causés par les retards de l’avion, qui vient de réaliser son premier vol d’essais le 11 décembre dernier, avec plusieurs années de retard sur le calendrier initial. Le groupe aéronautique a déjà provisionné 2,4 milliards d’euros pour y faire face. Sauf que ce montant est loin du compte puisqu’il est question de 5 milliards d’euros de plus.

Cette somme a été révélée lors d’un audit effectué par PriceWaterHouseCoopers, à la demande de l’OCCAR, l’agence paneuropéenne d’armement qui représente les sept pays clients de l’appareil. Et pour le cabinet, EADS est en mesure de prendre l’intégralité des surcoûts à sa charge. Seulement, il n’en est pas question pour le groupe européen.

« EADS devra veiller à ce que l’A400M n’obère pas la capacité d’Airbus à rester un acteur de niveau mondial » avertissait Fabrice Brégier, le directeur général d’Airbus, dans les colonnes du quotidien La Tribune, en décembre. Il faut dire que le marché de l’aviation commerciale est compliqué : le transport aérien souffre de la crise économique, le billet vert est trop faible par rapport à l’euro (et les contrats sont libellés en dollars) et de nouveaux acteurs apparaissent, comme la Chine.

C’est donc dans ce contexte qu’il faut analyser les informations du Financial Times Deutschland, publiées ce 5 janvier. Selon le quotidien, le patron d’Airbus, Thomas Enders, serait en train de préparer l’abandon de l’A400M après avoir affirmé, à l’occasion d’un repas de Noël, ne plus croire à une poursuite du programme. En conséquence, des ingénieurs qui travaillaient jusqu’alors sur l’avion de transport militaire devraient être réaffectés sur d’autres programmes comme l’A380 et l’A350. Et comme l’indique une source non identifiée au journal économique, Thomas Enders « n’est pas prêt à mettre en danger le segment de l’aviation civile, qui se comporte bien, à cause de l’A400M ».

Cette menace répétée d’abandonner l’A400M  – Les Echos du 21 décembre en avait fait également part – vient à un moment crucial pour son avenir. En effet, les négociations le concernant devraient aboutir d’ici à la fin du mois de janvier. En attendant, le ministère allemand de la Défense a indiqué, ce jour, s’en tenir « à son projet d’achat d’avions de transport militaire A400M ».

Une des craintes des dirigeants européens est de voir l’Europe perdre sa capacité à construire des avions militaires de transport et de laisser ainsi seuls en piste les constructeurs américains. D’où la volonté affichée du ministre français de la Défense, Hervé Morin, de voir ce programme aller jusqu’au bout. « L’effort doit être partagé entre les Etats et les industriels » a-t-il déclaré le mois dernier.

Enfin, une autre donnée à ne pas perdre de vue est le potentiel de d’A400M à l’exportation. Récemment, le Figaro Economie a indiqué qu’EADS était en train de négocier avec l’ASEAN pour la vente de 40 à 60 appareils afin de remplacer les 72 C130 Hercules qui sont utilisés au profit du Disaster Management Committee, une structure chargée de gérer les catastrophes naturelles. Au total, ce sont 400 avions qui pourraient trouver preneur à l’exportation…

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