Afghanistan : Paris n’enverra pas de renforts mais…

C’est donc ce 1er décembre que le président américain Barack Obama dévoilera officiellement sa stratégie afghane – tant attendue – devant les cadets de l’école militaire de West Point.

Selon toute vraisemblance, le locataire de la Maison Blanche devrait annoncer un renforcement du contingent américain présent en Afghanistan de 30.000 hommes sur les 40.000 demandés par le général McChrystal, le commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) lors de la remise de ses recommandations sur la stratégie à adopter pour stabiliser le pays. A charge donc aux partenaires de Washington de fournir les troupes manquantes.

A cette fin, et selon le quotidien Le Monde, Barack Obama aurait demandé 1.500 militaires de plus à son homologue français, Nicolas Sarkozy, autant à l’Italie, 2.000 à l’Allemagne et 1.000 au Royaume-Uni. Autant dire que la pression sera forte pour que ses requêtes soient satisfaites.

Pour le moment, le gouvernement britannique a pris la décision d’envoyer 500 hommes supplémentaires. Pour Berlin, il est question d’attendre la conférence internationale sur l’Afghanistan, qui se tiendra à la fin du mois de janvier 2010, avant de prendre des engagements. Sollicité la semaine passée par le président américain pour lui demander « le soutien de l’Italie dans le renforcement de l’engagement de la communauté internationale en Afghanistan », le premier ministre italien, Silvio Berlusconi, avait « accueilli favorablement cette requête » et décidé « que celle-ci serait approfondie dans les détails » avec Washington mais sans donner la moindre précision quant à l’envoi de renforts.

A Paris, le président Sarkozy a une nouvelle fois réaffirmé, lors d’une prise d’armes aux Invalides, le 30 novembre, que les militaires français resteraient en Afghanistan « aussi longtemps que nécessaire » afin de permettre « aux Afghans de vivre dans un pays pacifié et souverain ». Mais sur la question de l’envoi de nouvelles troupes, c’est non.

« La France considère qu’elle a fait un effort extrêmement important et qu’il n’est pas question, pour l’instant, d’augmenter les effectifs » en Afghanistan, a une nouvelle fois affirmé le ministre de la Défense, Hervé Morin, sur les ondes d’Europe1. Actuellement, la France a déployé 3.750 hommes sur ce théâtre d’opérations, dont 150 gendarmes pour assurer l’instruction de la police afghane (POMLT) et 6 équipes OMLT détachés auprès de l’armée nationale afghane. Ce qui fait que Paris est plus impliqué que les autres en matière de formation des forces de sécurités locales.

Seulement, est-ce que cela paraît suffisant? Pour les Pays-Bas et le Canada, assurément non. Ces deux pays évoquent le retrait prochain de leurs contingents respectifs, sans se priver de critiquer l’attitude de la France et de l’Allemagne sur le dossier afghan, oubliant sans doute que les militaires français ont également eu à faire dans d’autres lieux de conflits en Afrique et au Proche-Orient…

Cela étant, la pression pour que la France augmente ses effectifs en Afghanistan risque de s’accentuer au sein même de l’Otan. En effet, alors que la Slovénie a déjà indiqué qu’elle ferait un effort (250 hommes) et que la Géorgie, candidate à l’adhésion à l’Alliance atlantique, envisage d’envoyer entre 700 et 1.000 militaires, on voit mal comment Paris, qui a obtenu l’un des deux commandements suprêmes avec l’ACT de Norfolk, échapperait à l’insistance de ses partenaires pour renforcer son contingent.

En tout les cas, il paraît difficile à la France de répondre favorablement à la demande de Barack Obama. Déjà, il y a l’écueil budgétaire : l’Afghanistan est l’opération extérieure la plus coûteuse, avec 450 millions d’euros dépensés annuellement. Certes, c’est pour le moment acceptable mais un engagement accru de la France ferait mécaniquement monter la note, à un moment où l’armée française se restructure et essaie de trouver des marges de manoeuvres pour financer ses réformes et l’acquisition de nouveaux matériels. Les Britanniques, qui ont pris part aux opérations militaires en Irak et qui sont les seconds contributeurs de troupes en Afghanistan, en paient les conséquences actuellement : leur dissuasion nucléaire risque de perdre en crédibilité, avec, à terme, un sous-marin nucléaire lanceur d’engins en moins sur les quatre actuellement en service et la RAF va subir une importante cure d’austérité dans les années qui viennent.

Augmenter l’effort militaire comme Washington le demande est par conséquent difficilement imaginable, d’autant plus que l’effectif souhaité de 1.500 hommes est l’équivalent de deux Groupements tactiques interarmes (GTIA), ce qui signifie au minimum le doublement des ressources consacrées actuellement à la brigade La Fayette déployée en Kapisa et en Surobi. Ce sera donc davantage de moyens de protection, de Caesar, d’hélicoptères, de drones, etc… Sans oublier l’aspect logistique. Et puis il y a aussi les problèmes de disponibilité des personnels et de temps (préparation, rotation des troupes). A cela s’ajoutent bien évidemment les autres engagements que la France honore, comme au Liban par exemple, ou encore en Côte d’Ivoire ou au Tchad.

Reste que, dans le même temps, Paris aura du mal à ne pas participer à l’effort que les Américains demandent à l’ensemble de leurs alliés. Deux solutions pourraient alors être envisagées : l’envoi de forces spéciales ou le renforcement des dispositifs OMLT et POMLT. Le second scénario pourrait être le bon, le président Sarkozy ayant fait valoir que la formation des forces afghane est la priorité de la France.

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