Etats-Unis : Débat sur la stratégie à suivre en Afghanistan

Maintenant que le général Stanley McChrystal, le chef de l’ISAF, la force de l’Otan déployée en Afghanistan, a remis son rapport d’évaluation stratégique de la situation, le président Barack Obama a pratiquement toutes les cartes en main pour définir une nouvelle stratégie à appliquer au dossier afghan.

L’approche défendue par le général McChrystal s’appuie sur « leçons données par les Français Lyautey et Galula en matière de contre-insurrection », comme il l’a rappelé lors d’un entretien publié par le Figaro, ce 29 septembre. « Notre affaire, ce n’est pas de tuer le maximum de taliban, mais de protéger la population » a-t-il résumé.

La stratégie que veut mettre en oeuvre l’officier américain consiste également à renforcer les forces de sécurité afghanes et à se concentrer sur les régions les plus peuplées du pays, étant donné qu’il est impossible de pouvoir contrôler l’ensemble du territoire.  Il est à noter que le chef de corps du GTIA Kapisa, le colonel Chanson, a développé pratiquement le même raisonnement dans un rapport récent. « Les officiers français et moi partageons exactement les mêmes idées quant aux tactiques de contre-insurrection » a d’ailleurs souligné le général Mc Chrystal.

Seulement, cette stratégie demande davantange d’effectifs. Selon les estimations, il faudrait entre 10.000 et 40.000 soldats supplémentaires. Et c’est là que le bât blesse. Le président Obama devrait prendre une décision à ce sujet une fois qu’il aura analysé les recommandations du chef de l’ISAF et surtout, que la requête de ce dernier lui soit présentée par le Pentagone.

Cependant, la question de l’envoi de nouveaux renforts ne fait pas l’unanimité aux Etats-Unis. Etant donné que les autres membres de l’Otan ne sont pas très chauds pour augmenter leurs contingents repectifs – hormis sans doute la Grande-Bretagne, dont l’état-major planifierait le déploiement de 1.000 soldats de plus – l’essentiel de l’effort à accomplir reviendrait au Pentagone. Et cette perspective n’enchante guère Joe Biden, le vice-président américain.

En effet, le colistier de Barack Obama préconise au contraire une réduction des effectifs du contingent américain en même temps qu’une révision des buts de guerre. En fait, Joe Biden veut donner la priorité à la lutte contre les réseaux d’al-Qaïda, présents à la fois – selon lui – en Afghanistan et au Pakistan, avec un engagement des forces spéciales et l’utilisation des drones. Il s’agirait ainsi de renouer en quelque sorte avec l’approche qui avait prévalu avant 2006, avec les résultats que l’on connaît dans le Helmand, la province afghane où l’insurrection talibane est actuellement la plus intense.

L’avis du vice-président américain n’est pas partagé par le Pentagone, et à commencer par son chef, le secrétaire à la Défense, Robert Gates. « Les experts de la lutte anti-terroriste (…) auxquels j’ai parlé m’ont dit que le contre-terrorisme est uniquement envisageable lorsqu’on dispose des renseignements nécessaires pour cibler les terroristes » a-t-il expliqué à l’antenne de la chaîne de télévision ABC, le 27 septembre. « Et la seule façon d’obtenir ces informations est d’être sur le terrain » a-t-il ajouté.

L’option défendue par le général McChrystal reste néanmoins la plus soutenue. Le commandant adjoint de l’ISAF, le général britannique Jim Dutton, est sur la même longueur d’onde. « Si vous voulez parvenir à une certaine stabilité à long-terme, et par conséquent à une baisse des actes de terrorisme potentiels dans une zone en particulier, il faut plus que patrouiller dans le ciel » a-t-il déclaré au quotidien The Times.

L’amiral Mike Mullen, le chef d’état-major interarmes, et le général David Petraeus, le patron de l’US Centcom, le commandement américain pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale, sont également du même avis que le chef de l’ISAF. Et en matière de contre-insurrection, le général Petraeus a déjà su se montrer efficace pour avoir été l’artisan du « Surge » (montée en puissance), qui a conduit à une forte baisse des violences en Irak à partir de janvier 2007.

Enfin, le secrétaire général de l’Otan, le danois Anders Fogh Rasmussen, a indiqué partager « fondamentalement l’avis du général McChrystal », le 28 septembre. Toutefois, il n’a fait auncun commentaire sur les renforts souhaités par le commandant de l’ISAF. « Il serait prématuré d’exprimer un jugement ici et maintenant. Nous devons examiner son analyse, en discuter au sein de l’alliance, nous mettre d’accord sur une approche commune et ensuite, nous pourrons prendre une décision sur les ressources » militaires, a-t-il estimé.

Cela étant, et dans le cas d’une décision du président Obama d’augmenter les effectifs américains en Afghanistan, « les premiers renforts ne pourraient pas arriver avant janvier » prochain a prévenu Robert Gates.

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