KC-390 : La surprise du chef

Après le Xingu et le Tucano, deux avions brésiliens du constructeur Embraer, la France va acquérir au moins une dizaine d’appareils de transport militaire KC-390, pour 500 millions d’euros. C’est en tout les cas le marché qui a été passé entre Paris et Brasilia pour commencer les négociations portant sur la vente de 36 chasseurs multi-rôles Rafale pour les besoins des forces aériennes brésiliennes.

Cette annonce constitue pour le moins une surprise. On savait qu’il était question d’un éventuel achat, pour l’armée de l’Air, de C130 Hercules de Lockheed-Martin pour maintenir ses capacités en matière de transport militaire en attendant l’arrivée dans les escadrons de l’A400-M, l’avion développé par Airbus Military et dont les retards successifs ont failli lui être fatals. Par ailleurs, le choix d’acquérir l’appareil américain était somme toute logique, étant donné que 14 exemplaires, achetés dans les années 1980, sont déjà en service, sans compter les « possibilités de coopération avec les Britanniques ou d’autres », comme le soulignait le général Alain Silvy, le sous-chef plans et programmes à l’état-major de l’armée de l’Air, dans le dernier numéro hors-série DSI.

Seulement, le choix du KC-390 pose quelques questions. La formation des équipages et du personnel technique? Ce problème n’en est pas vraiment un étant donné que si l’hypothèse du C-130 Hercules J avait été confirmée, il aurait de toute façon fallu y consacrer des moyens, compte tenu des différences de la version actuelle par rapport à celle achetée il y a maintenant plus de 20 ans, notamment au niveau de la motorisation et du poste de pilotage.

En revanche, et comme l’heure est à la rationalisation et à la « mutualisation des moyens », l’armée de l’Air devra entretenir une flotte d’appareils de transport constituée par 4 modèles différents, avec, à terme, les anciens C130 Hercules, les Casa 235, aux capacités plus modestes, les A400-M (qui finiront par arriver) et enfin, les KC-390. Ce qui va obliger à entretenir plusieurs chaînes d’approvisionnements en pièces détachées par exemple.

Mais le plus surprenant, c’est que l’avion brésilien n’a été officiellement lancé qu’en avril de cette année. Brasilia, qui le soutient fermement, en a déjà commandé 22 exemplaires. En clair, le KC-390, dérivé de l’avion civil E-190, n’existe pour le moment que sur le papier. Les appareils destinés à la France seront, quant à eux, livrés à partir de 2015 et devraient par conséquent arriver en unité quelques mois plus tard, le temps de passer des essais au CEV et au CEAM. Or, il se trouve qu’à ce moment là, les A400-M entreront aussi en service. Du moins, c’est à espérer. Donc, on voit mal en quoi l’acquisition des avions brésiliens constitue une solution aux retards pris par le programme européen.

Enfin, cet achat du KC-390 peut être motivé pour d’autres raisons. En effet, Embraer a l’ambition de concurrencer le C130 Hercules J, avec en ligne de mire le marché représenté par les Etats d’Amérique du Sud, pour certains en froid avec Washington. Or, on sait que Dassault Aviation aidera le constructeur brésilien à développer son programme.. Et Paris a indiqué que les industriels français seraient « disponibles » pour y contribuer également… Aussi, on pourrait imaginer le même scénario qui s’est joué pour la firme brésilienne Helibras, qui assemblera 50 « Super Cougar » d’Eurocopter, après l’acquisition de 45% de son capital par l’entreprise européenne.

Conformément à l'article 38 de la Loi 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée, vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant. [Voir les règles de confidentialité]