Afghanistan : L’ISAF change son fusil d’épaule
Nouvelle approche pour les forces étrangères déployées en Afghanistan. La mission a changé de nature puisqu’il s’agit plus désormais de se concilier les bonnes grâces de la population civile que défaire militairement les taliban. En d’autres termes, le mot d’ordre est de « gagner les coeurs et les esprits » avec l’intention que les insurgés islamistes ne puissent plus bénéficier du soutien relatif des non-combattants.
« La mission est de protéger la population afghane. Les Afghans décideront de qui gagnera la guerre et nous nous battons pour obtenir leur soutien » écrit ainsi, dans une note de quelques pages, le général Stanley McChrystal, le nouveau commandant de la Force internationale d’assitance à la sécurité (ISAF) et de l’opération américaine « Enduring Freedom » (Liberté immuable), chargé depuis sa nomination d’élaborer une nouvelle stratégie pour l’Afghanistan.
En fait, l’officier américain entend appliquer peu ou prou les concepts de guerre anti-insurrectionnelle développés notamment par le lieutenant-colonel français David Galula, qui, après la guerre d’Algérie, est devenu chercheur à la RAND corporation aux Etats-Unis. Ses thèses ont d’ailleurs inspiré le général David Petraeus, actuellement à la tête de l’US Centcom, pour l’élaboration de la stratégie ayant permis une baisse spectaculaire des violences en Irak à partir de janvier 2007. D’ailleurs, et pour illustrer l’influence du penseur militaire français outre-Atlantique, le général Petraeus a même qualifié Galula de « Clausewitz de la contre-insurrection ».
« Pensez différemment. Concentrez-vous sur les gens, pas sur les insurgés » demande encore le général McChrystal, qui considére que les soldats de l’ISAF et d’Enduring Freedom comme les « invités » des Afghans. « Pensez avant d’agir (…) Analysez vos actions à travers le regard d’un Afghan » recommande-t-il encore. Il s’agit, là encore, d’éviter les « bavures », comme celle commise à Farah, dans l’ouest du pays, où, selon le gouvernement afghan, 140 civils ont été tués (20 à 30 pour les Américains, sans compter 65 taliban). Car en effet, pour le général McChrystal, le moindre incident de ce type sème « les germes de notre propre défaite ».
Le chef de l’ISAF prend également en considération les aspects de la culture afghane, » fondée sur les relations personnelles ». A ce titre, il recommande « d’écouter la population » et « d’agir en conséquence », dans le but de « gagner leur confiance ». « Faites qu’ils s’approprient le résultat » indique-t-il.
Quant aux relations avec les soldats de l’armée afghane, formés par les OMLT (Operationnal Mentoring Liaison Team), le général McChrystal veut qu’il n’y ait aucune différence entre eux et ceux de l’ISAF. « Vivez, mangez et entraînez-vous ensemble, dépendez et soyez responsables les uns des autres » demande-t-il.
En parallèle, il n’est pas question de prendre les responsables locaux corrompus avec des pincettes : le général McChrystal demande à ses hommes de les « affronter », ce qui ne sera pas une mince affaire quand on sait le niveau de corruption du pays, et de favoriser les bonnes pratiques de gouvernance.
« Faites fi des conventions habituelles si elles ne sont plus adaptées à l’environnement. Ceci est une guerre de l’esprit – apprenez et adaptez-vous plus rapidement que les insurgés » conclut le général McChrystal.
Il est difficile de dire si cette méthode sera facilement appliquée sur le terrain, compte tenu du fait que le conflit contre-insurrectionnel bousculant les schémas de la guerre traditionnelle, il n’est pas acquis que les cadres des contingents étrangers présents en Afghanistan y soient préparés. Rares sont en effet les pays qui ont eu à traiter des situations de ce type au cours de leur histoire.
Par ailleurs, le général McChrystal a remis son « rapport d’évaluation stratégique » au général Petraeus, qui le transmettra par la suite au secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, ainsi qu’aun secrétaire général de l’Otan, Anders Forgh Rasmussen. Ainsi, le chef de l’ISAF y recommande une « révision de la stratégie » mais il ne réclamerait pas de renforts supplémentaires.
« La situation en Afghanistan est grave, mais la réussite est encore possible et requiert une révision de la stratégie, de l’engagement et de la détermination, ainsi qu’un meilleure coordination des efforts » a-t-il ainsi déclaré, selon un communiqué publié par l’ISAF, ce 31 août. Les recommandations de ce document, qui sera vraisemblabement remis au président Obama d’ici à la fin du mois, doivent permettre d’atteindre les objetifs visant à « réduire les capacités d’action des insurgés, d’al-Qaïda et des extrémistes internationaux, à soutenir l’accroissement des effectifs des forces de sécurité afghanes » et à améliorer « la gouvernance et le développement socio-économique » de l’Afghanistan.