Les contradictions des taliban pakistanais
La mort de Baïtulah Mehsud, le chef de file des taliban pakistanais, le 5 août dernier, lors d’une frappe aérienne réalisée par un drone américain, a semé la confusion au sein du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TPP), notamment pour régler la question de sa succession, qui semble échauffer les esprits en même temps qu’elle aiguise les appétits.
A l’origine, le TTP est une alliance de 13 mouvements islamistes que Baïtullah Mehsud avait réussi à fédérer autour de son nom. Cela représente environ au moins 50.000 militants et 150 camps d’entraînement situés dans les zones tribales pakistanaises, le long de la frontière avec l’Afghanistan. L’on comprend mieux l’intérêt que la prise de commandement d’un tel ensemble peut alors susciter.
Quelques jours après la mort de Baïtullah Mehsud, des informations ont fait état que deux dirigeants du TTP s’étaient affrontés au cours d’une choura (assemblée) censée désigner un nouveau chef. Puis, et sans doute pour garder un semblant d’unité le temps de se mettre d’accord sur un nom, les responsables taliban ont nié la disparition de leur chef, qu’un des leurs avait pourtant confirmée.
Le 20 août dernier, Faqir Mohammad, qui passe pour être le numéro deux du TTP, a démenti la mort de Baïtullah Mehsud et a, au contraire, affirmé qu’il était malade, sans oublier de préciser qu’il allait provisoirement le remplacer. « En raison de la maladie (du chef) j’assume la fonction » a-t-il ainsi déclaré. Signe contradictoire s’il en est, Faqir Mohammad a répondu aux responsables taliban déclarés pour prendre la succession de Baïtullah Mehsud en leur rappelant que le choix d’un nouveau chef ne pouvait se faire qu’après consultation du conseil du TTP, fort de 42 membres.
Deux jours plus tard, le maulvi Faqir Mohammad est en quelque sorte revenu sur ses déclarations faites plus tôt en annonçant, par téléphone, qu’une « choura qui a réuni 22 membres pendant deux jours (…) a désigné à l’unanimité Hakimullah Mehsud comme successeur de Baïtullah Mehsud ». Selon l’agence de presse Reuters, Faqir Mohammad aurait été pressé par des dignitaires tribaux de renoncer à prendre la tête du TTP.
Seulement, pour les services de renseignement pakistanais, Hakimullah Mehsud ne serait pas en mesure de commander quoi que ce soit car il serait grièvement blessé ou aurait été tué, lors de la fusillade qui a éclaté lors de la choura consécutive à la mort du chef du TTP, laquelle a d’ailleurs été confirmée par le maulvi Omar, arrêté il y a quelques jours. Pour Islamabad, les taliban cherchent à gagner du temps pour préserver la cohésion de leur mouvement et attendre le retour du frère d’Hakimullah Mehsud, actuellement en Afghanistan, qui aurait en fait été choisi pour succéder à Baïtullah Mehsud.
Cela étant, et en plus de la confusion, la mort du chef taliban a instillé la suspicion parmi les islamistes pakistanais. Ainsi, quatre de ses proches, dont un de ses neveux, auraient été arrêtés par des miliciens du TTP au motif qu’ils aurait donné des informations aux autorités d’Islamabad qui auraient permis de localiser Baïtullah Mehsud. Deux d’entre eux auraient été exécutés, si l’on en croit les déclarations de Rehman Malik, le ministre pakistanais de l’Intérieur. Pour l’heure, on ne connaît pas l’intention des taliban à leur sujet.