Blackwater en eaux troubles

Même si il est des plus en plus question, actuellement, des sociétés militaires privées (SMP), leur existence n’est pourtant pas récente, comme l’a récemment souligné Zone Militaire. Seulement, le recours à de telles entreprises que l’on pourrait qualifier de « para-militaires » pose parfois des problèmes d’éthique. Leur emploi peut se justifier si cela permet de déléguer des tâches dites sulbaternes, comme par exemple le gardiennage ou la protection d’ambassades ou de personnels, afin que les armées nationales puissent se concentrer sur le coeur des missions qu’elles ont à accomplir.

Là où les ennuis commencent, c’est quand ces SMP se voient confier des tâches coercitives alors que l’usage de la force doit être, en principe, que du seul ressort des Etats, et par conséquent, de leurs forces de sécurité. Il y a là une limite que la CIA, la principale agence américaine de renseignement a été tentée, semble-t-il, de franchir, si elle ne l’a pas déjà fait.

En effet, le New York Times, dans son édition du 19 août, a révélé que la centrale de Langley a établi des contrats avec des employés de la sulfureuse société Blackwater (aujourd’hui renommée Xe Services) dans le cadre de son programme secret visant à localiser et éliminer des responsables d’al-Qaïda. Ce projet clandestin, dont le nouveau directeur de la CIA, Leon Panetta, a indiqué devant le Congrès que les détails avaient été tenus cachés aux élus américains, fait actuellement l’objet d’une enquête parlementaire.

La nature de ce programme est-elle même sujette à caution. L’agence de renseignement n’a en effet plus le droit, depuis la signature d’un décret par le président républicain Gerald Ford, d’assassiner des personnalités menant des activités contraires aux intérêts américains. Cette interdication avait été en partie levée par l’administration Bush, qui considérait les responsables d’al-Qaïda comme des soldats ayant agressé les Etats-Unis, le 11 septembre 2001.

Cela étant, il apparaît que les salariés de Blackwater n’aient pas été impliqués directement dans l’assassinat de dirigeants de la nébuleuse terroriste. Toujours selon le New York Times, ils auraient été employés sur les bases auparavant tenus secrètes de Shamsi, au Pakistan, et de Jalalabad, en Afghanistan, à partir desquelles sont mis en oeuvre les drones Predator qui réalisent régulièrement des frappes aériennes ciblées contre les leaders islamistes, qu’ils appartiennent au mouvement taleb ou à al-Qaïda. Leur rôle aurait ainsi consisté à monter les missiles sur ces avions sans pilote et à assurer la sécurité des sites.

Quoi qu’il en soit, la société Blackwater, créée en 1997, est déjà dans l’oeil du cyclone, notamment pour les « bavures » qu’elle a commises en Irak. Entre 2005 et cette année, où elle a été déclaré persona non grata par Bagdad en mai dernier (elle a été remplacé par Triple Canony), cette SMP a été impliquée dans au moins 195 incidents dans le pays.

Mais l’affaire la plus grave reste encore la fusillade du 16 septembre 2007, où des employés de Blackwater ont commis une énorme bavure en tuant 17 civils irakiens à un carrefour de Bagdad. Devant ces pratiques, le département d’Etat a rompu le contrat qui le liait à Blackwater et qui confiait à cette dernière la protection du personnel diplomatique américain en Irak. Toutefois, la société continue à se voir confier des missions de sous-traitance par l’administration Obama puisque, selon le magazine The Nation, 174 millions de dollars lui auraient été versés à ce titre cette année.

Les témoignages récents de deux anciens employés de la SMP ont mis en cause directement le fondateur de Blackwater, Elrick Prince, un ancien des Navy Seals qui passe pour être proche des milieux conservateurs. Ainsi, ces deux témoins, qui se font appeller John Doe 1 et John Doe 2 pour préserver leur anonymat en raison de menaces dont ils font l’objet, ont déclaré avoir participé à une campagne « corrompue, « raciste » et « violente » en Irak. Pire encore : un ancien salarié, décidé à collaborer à une enquête de la justice sur les agissement de la société aurait été tué dans des « circonstances floues ».

Selon les déclarations des deux hommes, qui ont été faites sous serment, Blackwater aurait en outre embauché des individus ayant des problèmes d’addiction à la drogue ou à l’alcool, présentant des troubles psychologiques ou encore ayant été impliqué dans des massacres en ex-Yougoslavie, ce qui peut expliquer certaines bavures. Par ailleurs, Elrick Prince est également accusé de s’être livré à un trafic d’armes en Irak, dont il tirait « des revenus substantiels ».

Il restera désormais à Blackwater/ Xe Services de répondre de toutes ses accusations devant la justice. Une première procédure, qui concerne la fusillade de 2007, est actuellement en cours.

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