Inauguration officielle de la base française à Abu Dhabi
Le président Sarkozy a officiellement inauguré, ce 26 mai, la nouvelle base interarmées françaises construite en un peu plus d’un an sur les rives du détroit d’Ormuz, à Abu Dhabi, aux Emirats arabes unis. Pour l’occasion, des avions de combat Rafale, ainsi que des bâtiments parmi les plus modernes de la Marine nationale, tels que la frégate antiaérienne Forbin, la frégate furtive Aconit et le Dupuy de Lôme, spécialisé dans le recueil de renseignements, ont fait le déplacement.
Concrètement, l’implantation française se compose de trois éléments. L’essentiel des travaux ont concerné la construction de la base navale et de soutien (BNS). Située à proximité du port de commerce de Mina Zeed, elle s’étend sur 80 hectares et disposera d’un quai long de 300 mètres, avec un tirant d’eau de 10 mètres, ce qui permettra à tous les types de bâtiments de la Marine nationale d’y accoster. Une trentaine de bateaux français font escale aux Emirats chaque année. Désormais, avec la BNS, ils pourront se ravitailler et faire réparer un large éventail de pannes éventuelles.
Autre élément : la base aérienne. Pour l’instant connue sous le nom de BA 104, elle est déjà opérationnelle et trois Mirage 2000-5 de l’EC 1/2 Cigognes y ont été déployés en octobre 2008. Elle est située à l’intérieur de la base émiratie d’Al Dhafra, à 30 km au sud d’Abu Dhabi. En novembre, un exercice majeur y a été conduit, l’Air Warfare Center (AWC), afin d’entraîner les équipages à des missions de défense aérienne.
Enfin, le dispositif est complété par une base terrestre, implantée dans le désert, à Zayed, où les unités de l’armée de Terre pourront s’entraîner au combat en zone urbaine et accomplir des stages d’aguerrissement en terrain désertique.
Cette base, appelée Camp de la Paix, voulue et financée par les Emirats arabes unis, accueillera en permanence, dès juillet prochain, près de 400 militaires français. Elle est par ailleurs le symbole du changement géostratégique de Paris, annoncé lors de la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, en juin 2008. Ce document définissait alors un arc stratégique allant de l’Atlantique à l’océan Indien, zone « où le risque de crises internationales de grande ampleur intéressant la sécurité nationale est susceptible de se concrétiser dans les quinze ans à venir, en même temps que celui d’intérêts stratégiques forts ».
Pour le président Sarkozy, interrogé par la revue Diplomatie, l’implantation militaire aux Emirats arabes unis est donc l’expression de « la volonté de la France de participer pleinement à la stabilité de cette région essentielle pour l’équilibre du monde » et « permettra aussi de renforcer notre coopération stratégique avec l’ensemble de nos alliés dans la zone ».
De fait, l’inauguration de cette base est inédite dans la mesure où c’est la première implantation militaire française dans une région tradionnellement sous influence anglo-saxonne, de par le passé colonial de la Grande Bretagne – les EAU sont d’ailleurs une ancienne colonie britannique – et la forte présence des forces armées américaines (Ve Flotte à Bahreïn, Koweït, Arabie Saoudite, etc..)
Quoi qu’il en soit, le « Camp de la Paix » permet à la France d’occuper une place stratégique. La région est le lieu de transit de 40% du trafic pétrolier mondial et d’une certaine manière, il rapproche Paris de l’Afghanistan et du Pakistan, foyers du terrorisme islamiste. Et surtout, la base française ne sera qu’à 225 kilomètres de l’Iran, pays susceptible d’être source de nouvelles tensions internationales en raison de son programme nucléaire et du développement de ses capacités en matière de missiles ballistiques. Et la perspective de voir l’Iran chiite disposer de l’arme nucléaire n’est pas faite pour rassurer Abu Dhabi…
Les relations militaires entre les Emirats arabes unis et la France ont commencé à se développer depuis les années 1970. Les deux pays sont liés par un accord de défense garantissant une intervention armée française en cas d’agression contre Abu Dhabi et l’inauguration du Camp de la Paix a été l’occasion d’en signer un nouveau en remplacement de celui en vigueur depuis 1995. Selon le président français, le nouveau texte stipule « que nous décidions en commun des réponses spécifiques et adaptées, y compris militaires, lorsque la sécurité, la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance des Emirats sont affectées ».
Par ailleurs, les EAU sont de bons clients de l’industrie française de défense. C’est par exemple le seul pays étranger qui a acheté des chars Leclerc (au nombre de 388 exemplaires) et ses forces aériennes sont équipés par des Mirage 2000-9, plus modernes que ceux en service en France, et dont Abu Dhabi compte remplacer par des Rafale si un terrain d’entente est trouvé avec Paris. Et d’ailleurs, une autre mission est assignée à la base française dans le golfe Persique : être une vitrine du savoir-faire hexagonal en matière d’armements, dans une région où les pays, enrichis par la rente pétrolière, ne lésinent pas sur les dépenses militaires.
Photo : Vue satellite de la base aérienne d’Al Dhafra, via Google Earth (coordonnées : 24°14’54 » N 54°32’52″E)