Mai 1940 : Tannay rend hommage à un sous-officier

12 Mai 1940. L’état-major français ne croit pas que les blindés allemands pourront franchir le massif des Ardennes et que la Ligne Maginot sera dissuasive. Peine perdue. Croyant à une réédition du plan Schlieffen, les troupes françaises se concentrent alors en Belgique centrale (manoeuvre Dyle-Bréda). Erreur fatale parce que c’est justement sur ce massif des Ardennes que les forces allemandes vont concentrer leurs efforts. Et leurs blindés vont le traverser en 2 jours! Ce sera alors la percée de Sedan.

Cependant, les soldats français déployés dans le secteur vont se battre. Symbole de cette résistance : le village de Stonne. Occupant une place stratégique, il est attaqué par les bombardiers et les chars allemands tout en étant âprement défendu par les Français. Entre le 15 et le 18 mai, il changera 19 fois de mains. Près de 33 chars français sont détruits, ainsi que 24 panzers.

Le 23 mai, les Allemands lancent une offensive sur le village de Tannay. Une contre-attaque est programmée pour le lendemain, à 18 heures. Sur place, les effectifs français sont notamment fournis par le 16e Bataillon de chasseurs à pied (dont l’actuel 16e Bataillon de chasseurs est l’héritier), le 1er Hussards, le 36e régiment d’Infanterie, le 49e Bataillon de chars de combat, le 8e Chasseurs et le 93e GRDI, une unité de reconnaissance issue du 20e Dragons.

« Vous attaquerez à 18 heures. Objectif : Pré Naudin. Mission : rejeter les Allemands au-delà du canal des Ardennes. Vous serez appuyés par une section de chars B et une compagnie du 36e RI. » Ces ordres sont reçus à 16h50 par le 2e escadron moto du 93e GRDI commandé par le capitaine Charlois. Il est pourtant acquis qu’il n’y aura pas le soutien escompté pour appuyer la contre-attaque. Mais l’ordre est confirmé à 17h55 : « Attaquez! ». « Si j’en reviens, il y aura une sérieuse explication ce soir » lance alors le capitaine Charlois. Il n’y aura pas de sérieuse explication…

A l’heure H, les 47 cavaliers du 93e GRDI, sous équipés (*) mais avec la baïonnette au canon, partent à l’assaut de Tannay. Dès les premières secondes, les Français subissent un violent tir de barrage allemand. Le bilan est terrible : 12 sont tués, dont le capitaine Charlois, 20 autres sont blessés. Les obus arrêtent de tomber à 20 minutes plus tard. Cinq cavaliers, qui ont la chance de sortir vivants du déluge de feu qui s’est abattu sur eux, sont fait prisonniers. Parmi eux, on trouve les cavaliers Merciol, Porte et Bravy, le brigadier Fonquernie et le maréchal des logis Roger Avignon. Au 25 mai, les combats dans ce secteur auront fait 1.000 tués du côté français. Les Allemands auront quant à eux perdu 3.000 hommes.

Pour commémorer cette bataille, plusieurs cérémonies auront lieu les 16 et 17 mai, en souvenir des soldats français tués au cours de cette offensive allemande, il y a maintenant 69 ans. Mais cette année, en même temps que des hommages seront rendus au 93e GRDI, au 16e BCP et au 45e BCC, une plaque en l’honneur du maréchal des logis Roger Avignon sera inaugurée à Tannay.

Aujourd’hui âgé de plus de 90 ans, spécialiste connu et reconnu des blindés de la campagne de France, Roger Avignon n’a jamais cessé de témoigner et d’agir pour que la mémoire de ses frères d’armes tombés pour la défense de Tannay ne soit pas oubliée.

Ces soldats de mai-juin 1940 ne peuvent pas être tenus pour responsable de cette terrible débâcle, fruit d’une doctrine dépassée reposant sur des certitudes finalement infondées. Pourtant, il apparaît que leur sacrifice reste méconnu dans la mémoire nationale, comme s’il fallait oublier cet épisode de notre histoire pour ne retenir que les combats de la Libération.

Qui se souvient, aujourd’hui, de l’attitude de l’armée de l’Air française au cours de cette période? Si, à juste titre, la mémoire des Tuslane, Marin-la-Meslée et Mouchotte n’est pas oubliée, celle du sergent-chef Morel, du GC I/5 (12 victoires homologuées) du sergent Le Nigen (13 victoires) ou encore du sous-lieutenant Plubeau (18 victoires) n’a pas eu le même destin.

Le maréchal des logis Avignon n’a jamais reçu de distinction. Pas de Légion d’honneur. Pas de Médaille militaire. Il fallait pourtant avoir le sens du devoir et du sacrifice chevillé au corps pour monter à l’assaut avec ses 46 compagnons d’armes. Pour preuve de la violence de ce combat dont l’issue ne laissait pas de place au doute, on ne retrouvera du capitaine Charlois que son galon et un porte-clé…

(*) Le capitaine Charlois partira au combat avec une cartouchière et un fusil allemand, pris sur un prisonnier fait la veille.

Pour en savoir plus :

• Ardennes 1940 : à ceux qui ont résisté
• Le récit des combats de Tannay, par monsieur Roger Avignon, sur le site de l’Amicale des anciens 20e Dragons

Photo : le maréchal des logis AVIGNON, en avril 1940 (1er à droite)