Moratoire de trois mois pour l’A400M

Depuis le 1er avril, les pays ayant commandé au total 180 exemplaires de l’avion de transport militaire A400M auraient été théoriquement en droit d’exiger d’EADS des indemnités de retards et le remboursement d’avances déjà perçues.

En effet, le développement de l’A400M a pris près de trois ans de retards, notamment en raison de difficultés rencontrées dans la mise au point de ses moteurs et surtout du logiciel qui doit gérer leur fonctionnement. Sur ce point, l’un des quatre motoristes du consortium EPI, le français Safran, estimé que le premier vol de l’appareil pourrait avoir lieu avant la fin de l’année 2009.

Mais les clients d’EADS, qui attendent l’A400M pour replacer leurs avions de transport à bout de souffle encore en service, ont montré des signes d’impatience. Le Premier ministre, François Fillon, alors en déplacement en Haute-Marne, le 17 avril dernier, a même parlé de « retards invraisemblabes ». « Franchement, on n’en a jamais vu d’aussi longs quasiment dans l’histoire de l’aéronautique » a-t-il ainsi déclaré.

Seulement, cette estimation du chef du gouvernement français n’est pas tout à fait juste. En général, les premières livraisons d’avions de transport militaire interviennent en moyenne entre 10 et 15 après le début de leur développement. Cela a été notamment le cas de l’américain C-17 que Boeing présente comme pouvant être une alternative crédible à l’A400M. Et pour ce dernier, le délai fixé, pour un appareil aussi complexe, a été initialement de 6 ans et demi.

Cependant, « retards invraisemblables » ou pas, ce programme d’avion de transport européen représente trop d’enjeux, notamment en raison du contrat de 20 milliards d’euros et des dizaines de milliers d’emplois qu’il représente.

« C’est trop important pour l’industrie aéronautique européenne de faire cet avion » a dans le même temps affirmé François Fillon. « Si on décidait demain, pour des raisons financières, de l’arrêter, on enverrait le signal au reste du monde que l’industrie aéronauique européenne n’est pas capable de faire un avion de transport militaire » a-t-il ajouté. En clair, l’abandon du programme de l’A400M profiterait immanquablement au concurrent direct d’EADS, l’avionneur Boeing, et à Lockheed-Martin avec son C-130J.

Ainsi, il a été dans l’intérêt du constructeur européen, ainsi que dans celui de ses clients, de signer, le 20 avril, via l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAR), un moratoire de trois mois au bout duquel un nouvel accord pourrait être conclu entre les parties concernées.

Cela permettra aux acheteurs de l’A400M d’obtenir un nouveau calendrier précis et fiable portant sur la livraison de l’appareil et de donner une bouffée d’oxygène à EADS qui, sans ce moratoire, aurait sans doute été contraint de trouver 5 milliards d’euros au titre des dédommagements à verser à ses clients. Il restera néanmoins à régler la question des surcoûts générés par les retards dans le développement de l’appareil.

A lire : L’Airbus militaire A400M sur le « chemin critique » de l’Europe de la défense [rapport du Sénat, déposé le 10 février 2009]

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