Thales fabrique son Teorem
Une anecdote raconte qu’une communication téléphonique entre Edouard Balladur, alors Premier ministre, et le négociateur d’une entreprise française présent en Arabie Saoudite avait été interceptée par la NSA, l’agence américaine de renseignement électronique. Conséquence : ce fut une société américaine concurrente qui obtint le contrat saoudien visé par les Français.
La sécurité des télécommunications au sein des services de l’Etat est par conséquent une préoccupation majeure. Dans cet esprit, le Secrétariat général de la défense nationale (SGDN) a publié, en 2007, une note toujours en vigueur pour « mettre en garde » les ministères « contre les risques d’interception des communications » par des oreilles indiscrètes, les réseaux cellulaires utilisés par les téléphones portables et autres assistants personnels, comme par exemple le Blackberry de la société canadienne Research in Motion (RIM), n’étant pas suffisamment sécurisés.
Pour remédier à ce problème, Thales, le spécialiste français de l’électronique de défense, a développé, sous l’égide de la Délégation générale de l’armement (DGA), un téléphone cryptographique pour réseau étatique et militaire (Téorem) dont la fabrication vient d’être lancée dans une usine du groupe située à Cholet, après une commande du ministère de la Défense de 14.000 terminaux, le 13 mars dernier.
Ce portable sécurisé, compatible 2G, 3G, RTC, RNIS et VoIP et muni d’un clapet, est destiné exclusivement aux différents services de l’Etat qui commenceront à percevoir leurs premiers exemplaires à partir de 2010. Inutile donc de chercher à s’en procurer un : il ne sera pas proposé aux particuliers et aux entreprises privées et d’ailleurs, son prix n’a pas été communiqué.
La mise au point de la technologie de cryptage de la voix et des données qui caractérise le Téorem a demandé près de deux ans de travail et a mobilisé une centaine d’ingénieurs. Afin d’éviter toute intrusion étrangère – ce qui explique ainsi la raison pour laquelle il ne sera pas disponible dans le commerce – il est prévu de bannir du réseau tout téléphone perdu ou volé.
« A l’heure actuelle, seuls deux Etats au monde ont réussi à développer un tel produit », a confié à Reuters Pierre-Jean Nicol, en charge du projet au sein de l’électronicien de défense. Ce sont « les Etats-Unis avec la firme General Dynamics (ndlr : avec le Sectera Edge, qui coûte 3.350 dollars), et la France avec Thales » a-t-il précisé.
Photo : (c) Thales