Gates sabre les programmes du Pentagone
« La capacité des Etats-Unis à faire face aux menaces futures dépend de ses performances dans les conflits actuels » avait écrit le secrétaire américain à la Défense, Robert Gates, dans un article publié récemment par la revue Foreign Affairs. « Les forces armées américaines ne doivent pas se focaliser sur la préparation à de futurs conflits conventionnels au point de négliger de fournir toutes les capacités nécessaires pour gagner les guerres irrégulières » avait-il avancé.
De fait, les arbitrages entre les différents programmes d’armement du Pentagone annoncés par Robert Gates le 6 avril ne constituent pas une réelle surprise. Pour 2010, le budget des armées américaines s’élevera à 533,7 milliards de dollars (hors guerres en Irak et en Aghanistan), soit une hausse de 4% par rapport à 2009.
Cependant, « l’époque où l’on signait des chèques en blanc aux indutriels de la défense est révolue » avait averti le 4 mars dernier le président Obama. D’où la nécessité de faire des choix pour mettre un terme aux dérapages budgétaires de certains programmes d’armement. Selon le Government Account Office (GAO), près de 96 d’entre eux ont présenté un surcoût de 25% par rapport à leur estimation initiale pour atteindre la somme de 1.600 milliards de dollars..
« Chaque dollar dépensé pour s’assurer de manière excessive contre un risque lointain ou en déclin (…) est un dollar qui n’est pas disponible pour s’occuper » des Américains, a fait valoir Robert Gates.
Plusieurs programmes d’armement développés dans la perspective d’un conflit conventionnel sont donc en passe d’être abandonnés afin de réaffecter en partie les crédits qui leur étaient jusque là alloués vers l’acquisition de moyens nécessaires pour mener des guerres contre-insurrectionnelles.
Ainsi, le patron du Pentagone recommande la fin de la production du chasseur furtif F22 Raptor conçu par Lockheed-Martin. L’US Air Force devra se contenter des 187 exemplaires commandés, au lieu des 400 souhaité, ainsi que celle de l’avion de transport C-17. Le contrat de 15 milliards de dollars portant sur le développement d’hélicoptères de sauvetage (CSAR) pourrait être annulé.
La production de navires de guerre pourrait être ralentie – ce qui touche les futurs porte-avions et destroyers – car M. Gates estime que les Etats-Unis disposent « d’une marge de domination confortable » sur les mers. La défense antimissile devrait également voir ses crédits baisser de 1,4 milliard de dollars pour le budget 2010.
Quant aux forces terrestres, elles devront réduire leurs ambitions pour le Future Combat System (FCS), c’est à dire le programme de modernisation des équipements de l’US Army, dont le coût de développement a déjà atteint 130 milliards de dollars, soit 44,5% de plus par rapport à ce qui avait été estimé en 2003.
En revanche, Robert Gates s’est prononcé pour l’acquisition, dès 2010, de 513 F-35 Lightning II, appelé à remplacer plusieurs types d’appareils actuellement en service dans l’armée de l’Air américaine, l’US Marine Corp. et L’US Navy. L’aviation embarquée devrait également pouvoir commander 31 F/A-18 supplémentaires. M. Gates a aussi fixé un objectif aux constructeurs aéronautiques, qui devront développer des avions susceptibles « d’être produits en quantité à un coût viable ». Le dossier des avions ravitailleurs fera l’objet d’une nouvelle compétition entre Boeing d’un côté et EADS associé à Northrop-Grumann dès l’été prochain.
Deux milliards de dollars supplémentaires devraient être employés à financer les opérations de reconnaissance, de surveillance et de renseignement, ce qui suppose l’acquisition de drones et un budget en hausse pour les forces spéciales dans les effectifs sont appelés à augmenter. Les cybermenaces sont également prises en compte avec 250 experts formés chaque année contre 80 actuellement. En outre, Robert Gates propose l’acquisition de nouveaux bâtiments appelés Littoral Combat Ship (LCS), pouvant être assimilés à des corvettes. Enfin, 700 millions de dollars de plus devraient être dépensés pour le système de défense antimissile de théâtre THAAD (Terminal High Altitude Area Defense)
« Si elles sont approuvées, ces recommandations vont profondément changer la manière de faire du Pentagone » et « changer les priorités » afin de se recentrer sur « les guerres que nous menons aujourd’hui » a déclaré Robert Gates. « Il est évident que nombre de ces décisions seront controversées » a-t-il admis en évoquant les prises de positions des parlementaires élus de régions où l’emploi dépend des industries de défense.
L’ancien adversaire de Barack Obama lors de la dernière élection présidentielle, le sénateur républicain John McCain, qui siège à la commission des Forces armées du Sénat, a indiqué « soutenir fortement » le projet de Robert Gates, issu du même parti politique que lui et qui était déjà à la tête du Pentagone lors du dernier mandat de George W. Bush.
Cependant, James Inhofe, également sénateur républicain, a dit tout le mal qu’il pensait des orientations fixées par M. Gates. « Je ne peux pas croire ce que nous avons entendu aujourd’hui (…) Nous sommes ici en Afghanistan (…) et nous entendons cette annonce que nous coupons, je dirais que nous ravageons notre armée » affirme le sénateur de l’Oklahoma dans une vidéo. « Le Congrès ne peut pas, et ne doit tout simplement pas suivre » ajoute-t-il.
Photo : Projet de LCS (c) General Dynamics