Le jeu trouble des services secrets pakistanais

Selon la nouvelle stratégie élaborée par Washington, la stabilisation du Pakistan devrait permettre l’amélioration de la situation en Afghanistan. Seulement, il apparaît que cela est plus facile à dire qu’à faire, surtout après la confirmation apportée par le New York Times (édition du 25 mars dernier) de l’information selon laquelle les taliban, ainsi que leurs alliés, sont aidés par des éléments de l’Inter-Services Intelligence, c’est à dire les services de renseignement pakistanais.

Les relations entre le mouvement taleb et l’ISI sont anciennes. D’ailleurs, c’est grâce aux services secrets pakistanais que les taliban ont pu se rendre maître de Kaboul, avant d’en être chassés par l’intervention militaire américaine en novembre 2001. Le Pakistan avait en effet intérêt à disposer d’un pouvoir qui lui aurait été favorable en Afghanistan et cela pour au moins deux raisons.

La première est d’ordre économique. La construction d’un pipeline devant amener du d’Asie centrale vers le port de Gwadar, au Balouchistan, et assurant ainsi l’approvisionnement énergétique du Pakistan, nécessitait un pouvoir afghan stable, capable d’assurer une certaine sécurité. La seconde est de nature géopolitique. En s’assurant de la bienveillance de l’Afghanistan, Islamabad pouvait ainsi bénéficier d’une certaine profondeur stratégique face à son ennemi héréditaire qu’est l’Inde.

L’enquête du New York Times, qui a interrogé des responsables américains et pakistanais du renseignement, indique donc que ces liaisons dangereuses entre l’ISI et les taliban n’ont jamais cessé. D’un côté, on a donc un pouvoir pakistanais qui affirme lutter contre le terrorisme et de l’autre, ses services qui le soutiennent, même si ponctuellement ils livrent un important responsable d’al-Qaïda aux Américains, comme cela a été le cas avec l’arrestation, en 2003, de Khaled Sheikh Mohammed, le cerveau du 11 septembre,

Concrètement, l’aide apportée par l’ISI aux insurgés islamistes consiste « en une aide financière, du matériel militaire et des conseils de planification stratégique dispensés à des commandants talibans appelés à affronter les forces internationales en Afghanistan ».

Les opérations militaires seraient coordonnées par la mystérieuse S Wing des services de renseignement pakistanais, dont certains responsables garderaient le contact avec des commandants taliban « afin de discuter de l’opportunité d’intensifier ou de réduire la violence avant les élections en Afghanistan » qui sont prévues pour le 20 août prochain.

Parmi les chefs insurgés qui bénéficient du soutien de l’ISI, on trouve le mollah Omar, qui continuerait à exercer son influence sur le mouvement des « étudiants en théologie » à partir de la ville de Quetta, au Balouchistan, Jalaluddin Haqqani, un important commandant taleb, ainsi que Gulbuddin Hekmatyar, le chef du parti Hezb-e-Islami qui a fait allégeance à al-Qaïda. Les liens entre ces deux derniers et les services pakistanais sont anciens puisqu’ils datent de l’époque de la guerre menée en Afghanistan par les Soviétiques.

En fait, la situation qui règne à l’ISI est complexe. Depuis 2001, ce service, qui est un Etat dans l’Etat, a connu plusieurs purges visant à évincer ses éléments ayant des sympathies affichées avec les islamistes radicaux. Seulement, il semblerait que cela n’a pas été suffisant car, de l’aveu même des autorités pakistanaises, certains agents de l’ISI n’agissent pas en fonction de la politique fixée par le gouvernement, lequel s’était rangé aux côtés des Etats-Unis pour mener la « guerre contre le terrorisme » après les attentats contre le Pentagone et le World Trade Center. L’enquête du New York Times le reconnaît d’ailleurs, en indiquant que ce serait des agents d’un « échelon intermédiaire » qui apportent de l’aide aux taliban et à leurs alliés, et cela, à l’insu de leur hiérarchie.

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