Nouvelles tensions dans la péninsule coréenne

La tension est une nouvelle fois montée d’un ton entre les deux Corées au cours de ces dernières semaines, en raison de l’annonce, le 16 février dernier, de l’intention de Pyongyang de lancer le « satellite de télécommunications expérimental » Kwangmyongsong-2 à l’aide d’une fusée Unha-2. Cependant, il est à craindre que cette mise en orbite soit un prétexte pour un nouvel essai du missile balistique Taepodong-2.

En effet, en 1998, le régime communiste avait déjà fait le coup en lançant un missile de moyenne portée Taepodong-1 au-dessus du Japon après avoir indiqué que des préparatifs au lancement d’un satellite étaient en cours. Bien évidemment, cette perspective inquiète non seulement la Corée du Sud, mais aussi les Etats-Unis – l’Alaska serait par ailleurs susceptible d’être atteinte par le Taepodong-2 – et le Japon.

D’ores et déjà, et à l’instar des Américains, Tokyo a prévenu que les forces d’autodéfense se tiennent en alerte pour abattre tout « lanceur » qui survolerait son territoire. Deux destroyers Aegis équipés de missiles SM-3 ont donc pris la mer et des systèmes antimissiles Patriot ont été déployés près de la capitale nippone. « Si un objet devenait incontrôlable et se dirgeait vers le Japon, il deviendrait une cible, y compris s’il s’agit d’un satellite » a averti Yasukazu Hamada, le ministre de la Défense.

Ce à quoi Pyongyang a répondu par de nouvelles menaces. « Nous réagirons à toute action visant à intercepter notre satellite destiné à un usage pacifique en contre-attaquant rapidement par les moyens militaires les plus puissants » a déclaré l’état-major de l’armée nord-coréenne qui a précisé que ces représeailles pourraient viser « non seulement les moyens d’interception mis en oeuvre, mais aussi les places fortes des agresseurs américains et japonais et leurs marionnettes sud-coréennes, qui complotent pour l’intercepter ».

Parallèlement aux préparatifs du lancement de ce supposé satellite, prévu entre le 4 et le 8 avril, le régime communiste a prévenu les compagnies aériennes d’éviter de survoler la péninsule coréenne pendant l’exercice annuel militaire Key Resolve auquel participent l’armée américaine et son homologue sud-coréenne, du 9 au 20 mars. Pour Pyongyang, ces manoeuvres, certes plus importantes que par le passé, sont une « menace militaire déguisée », ce qui justifie la mobilisation de son armée.

« Le commandement suprême de l’armée de Corée du Nord a donné l’ordre à toutes ses forces de se tenir totalement prêtes à combattre » a déclaré l’état-major, par voie de communiqué. « Il s’agit d’une mesure juste d’autodéfense pour protéger la souveraineté et la dignité de la nation » y est-il encore affirmé.

De son côté, l’agence de presse nord-coréenne KCNA n’est pas en reste avec la rhétorique guerrière. Selon elle, l’armée populaire « procédera à des représailles sans merci, si des intrusions sont opérées dans son ciel, sur son sol ou dans ses eaux territoriales, ne serait-ce que d’un centimètre ». Voilà les participants de Key Resolve prévenus et il n’y a plutôt pas intérêt à tomber en panne de GPS.

La Corée du Nord a pris l’habitude de se livrer à de telles provocations et d’user (et d’abuser) de menaces militaires contre son voisin du Sud. Premièrement, c’est une façon de tester la nouvelle administration américaine et de se rappeler à son bon souvenir. Les négociations concernant le programme nucléaire nord-coréens sont pour l’instant – et officiellement – au point mort et, en septembre, les inspecteurs de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) ont été expulsé de la centrale de Yongbyon qui, selon la promesse faite par Pyongyang, devait être démantelée. Or, les Etats-Unis sont partie prenante de ce dossier, en compagnie de la Chine, de la Russie, du Japon et de la Corée du Sud.

En second lieu, il s’agit d’obtenir une politique plus souple à son endroit de la part de son voisin du Sud dont le président, Lee Myung-bak affiche une politique plus dure que ces prédécesseurs à l’égard de Pyongyang, ce qui lui vaut d’être accusé d’amener la péninsule au « seuil de la guerre ». Ce à quoi le régime communiste se prépare car; selon le Livre blanc du ministère sud-coréen de la Défense, en plus d’avoir augmenté les effectifs de son armée, il aurait renforcé ses capacités militaires et son arsenal de missiles à moyenne portée qui représenterait une menace « directe et sérieuse ».

Enfin, ce chantage du faible au fort vise un autre objectif. L’économie nord-coréenne étant au plus mal, la Corée du Nord a besoin de matières premières, d’énergie et surtout de nourriture pour les 23 millions d’habitants qu’elle compte. La menace d’un conflit que Pyongyang agite ainsi fait penser à un bandit qui tenterait un hold-up. En d’autres termes, la Corée du Nord restera calme si on lui donne une aide économique afin que le régime communiste puisse se maintenir au pouvoir.

Cependant, le risque d’un conflit n’est pas totalement exclu, surtout si le leader nord-coréen, Kim Jong Il perd la face dans le cas où le « satellite » que son pays s’apprête à lancer est effectivement détruit en vol par les Japonais ou les Américains. La Corée du Nord pourrait alors mettre ses menaces à exécution et envoyer un missile sur le Sud. Ce qui pourrait être le début d’une réaction en chaîne que seule la Chine, alliée de Pyongyang, serait éventuellement capable d’éviter.

Photo : Affiche de la propagande chinoise pendant la guerre de Corée

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