Les Etats-Unis font les yeux doux à la Russie

Sous la présidence Bush, et après avoir connu une embellie au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les relations entre Washington et Moscou se sont tendues en raison de multiples de contentieux.

Tout d’abord, la Russie n’a jamais accepté l’influence grandissante des Etats-Unis, et plus généralement des Occidentaux, dans son « étranger proche », c’est à dire dans les pays qui autrefois étaient sous la domination soviétique. La perspective d’une éventuelle l’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine – où la flotte russe dispose du port de Sebastopol – à l’Otan n’est pas acceptable pour le Kremlin, qui a par ailleurs été froissé par la déclaration d’indépendance du Kosovo, soutenue par la Maison Blanche et perçue par les Russes comme portant atteinte à l’intégrité territoriale de la Serbie.

Dans ce contexte, la diplomatie russe s’est attachée à se rapprocher de pays sud-américains – la zone traditionnelle d’influence de Washington – en soutenant par exemple le Venezuela du président Hugo Chavez, qui n’est pas en meilleur terme avec les Etats-Unis. Et puis surtout, la Russie a tissé des liens étroits avec l’Iran, soupçonnée de vouloir se doter de l’arme nucléaire.

Les deux pays ont d’ailleurs renforcé leur partenariat aussi bien dans le domaine de l’armement que celui de l’énergie. En octobre 2008, Moscou et Téhéran, dont les territoires bordent la Caspienne, ont ainsi créé, avec le Qatar, un cartel du gaz. L’Iran est aussi l’un des trois principaux clients de la Russie pour ce qui concerne les ventes d’armes. En 2007, Moscou lui a fourni des sytèmes de défense antiaérienne TOR-M1, en plus de missiles sol-air S-300 dont le contrat de vente a été signé voilà maintenant quelques années. Enfin, c’est Moscou qui a lui a procuré le combustible nécessaire au démarrage de la centrale nucléaire de Bouchehr.

Dans le bras de fer qui oppose Téhéran à la communauté internationale au sujet de son programme nucléaire, la Russie n’a jamais voté, au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, les sanctions susceptibles de faire plier le pays des Mollahs. Par ailleurs, l’éventualité d’un Iran disposant de la bombe nucléaire est un des arguments avancés par Washington en faveur de son projet de bouclier antimissile, qui est vu par les Russes comme une menace à leur sécurité.

Tout cela a fait que les relations entre la Russie et les Etats-Unis ont retrouvé, à un moment, un arrière-goût de « guerre froide » comme au temps de l’ancienne Union soviétique. Et l’intervention russe contre la Géorgie, en août dernier, n’a évidemment pas arrangé les choses.

Sauf que la situation a changé à Washington. La nouvelle administration américaine, dirigée par le président Barack Obama, a mis au premier rang de ses priorités, outre la crise économique, l’Afghanistan et le nucléaire iranien. Or, sur ces deux derniers points, les Etats-Unis ont besoin de la Russie.

En effet, pour ce qui concerne le dossier Afghan, la Maison Blanche veut pouvoir compter sur la bienveillance du Kremlin pour diversifier les voies de ravitaillement des troupes de l’Otan et de l’opération Enduring Freedom, actuellement déployées en Afghanistan. Cela est devenu plus que nécessaire après les récentes attaques des taliban contre les convois qui passent par le Pakistan, où transite l’essentiel de la logistique destinée aux forces occidentales. La décision du Kirghizstan, prise sous l’influence russe, de fermer la base américaine de Manas, qui est un des maillons de cette chaîne d’approvisionnement, est de nature à inciter Washington a entrer dans les bonnes grâces de Moscou.

Quant à l’Iran, le New York Times a révélé que le président Obama avait écrit secrètement à son homologue russe, Dmitri Medvedev, afin de l’inciter à user de son influence auprès de Téhéran. Mais contrairement à ce qu’avait écrit le journal, l’actuel locataire de la Maison Blanche a récusé l’idée d’un quelconque marchandage impliquant un éventuel abandon du bouclier antimissile en échange d’une attitude positive de Moscou.

« Ce que j’ai dit dans cette lettre, c’est ce que j’ai dit publiquement, à savoir que le système de défense antimissile dont nous avons parlé en Europe est dirigé, non contre la Russie, mais contre l’Iran » a ainsi affirmé Barack Obama lors d’un point presse tenu en compagnie du Premier ministre britannique, Gordon Brown, alors en visite à Washington. « Et ce que j’ai dit dans la lettre, c’est que, dans la mesure où nous réduisons la détermination de l’Iran à posséder des armes nucléaires, cela diminue aussi la pression, ou la nécessité d’avoir un système de défense antimissile », a-t-il ajouté.

Le fait est, ce courrier illustre la volonté du président américain de renouer le dialogue avec la Russie, quitte à donner l’impression que les Etats-Unis soient prêts à lui faire toutes les concessions qu’elle souhaite, en mettant dans la balance le gel voire l’abandon du bouclier antimissile – qui n’a aucune velléité offensive contre Moscou – et l’arrêt du processus d’adhésion à l’Otan de la Géorgie et de l’Ukraine.

Cela étant, ce dialogue avec les Russes passe également par l’Otan. L’Alliance avait suspendu ses relations avec la Russie au moment de l’affaire géorgienne.Si une partie des Etats membres sont favorables à une reprise des réunions du Conseil Otan-Russie (COR), d’autres en revanche y sont complétement hostiles, notamment les pays de l’ancienne sphère d’influence soviétique, qui nourrissent une rancune tenace à l’égard de Moscou. Or, le dégel des relations entre la Russie et l’Otan est l’occasion, pour le Kremlin, de jauger la nouvelle administration américaine et de voir si elle est capable d’imposer ses vues à ses partenaires récalcitrants.

Au final, le secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer, a annoncé, le 5 mars, la reprise du dialogue avec Moscou. « Les ministres sont tombés d’accord pour reprendre formellement les relations avec la Russie » a-t-il ainsi déclaré à l’issue d’une réunion de chefs de la diplomatie des 26 pays membres, avec, pour la première fois, Hillary Clinton. « Nous insisterons auprès de la Russie pour qu’elle respecte pleinement ses engagements à l’égard de la Géorgie » a-t-il toutefois précisé, à l’intention sans doute des Etats qui étaient le moins bien disposés à la reprise du dialogue avec Moscou.

Maintenant, il reste à savoir si le pouvoir russe à tout à y gagner dans cette normalisation des relations avec les Etats-Unis, et surtout si il accepte d’user de son influence sur son allié iranien. Si la Russie souhaite dominer la région eurasienne, l’émergence d’une nouvelle puissance nucléaire pourrait constituer un problème. Sauf que pour l’état-major russe, le programme nucléaire iranien ne constitue pas une menace a priori puisque Téhéran ne disposera pas du potentiel suffisant pour se livrer à une guerre impliquant des armes de destruction massive.

De plus, Moscou pourrait tirer bénéfice d’un éventuel conflit au Moyen-Orient si jamais Israël, qui est nommément menacé par Téhéran, prend la décision de bombarder les installations nucléaires iraniennes, comme il semble d’ailleurs s’y préparer. Tirant des revenus conséquents de l’exploitation du pétrole et du gaz naturel, une crise majeure dans cette région aurait pour conséquence de faire augmenter le prix des ressources énergétiques, ce qui serait de nature à donner une bouffée d’oxygène à l’économie russe, qui ne se porte pas au mieux actuellement.

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