Une taupe chez Milosevic
En général, on parle plus volontiers des opérations ratées que des succès obtenus par les services de renseignements. Bien évidemment, la CIA, et surtout elle d’ailleurs, n’échappe pas à la règle. Cela étant, le Los Angeles Times a révélé une affaire qui met en avant l’agence américaine.
En 1992, la République fédérale socialiste de Yougoslavie était alors sur le point d’imploser. La Slovénie avait déjà fait sécession en 1991 et la Croatie, ainsi que la Bosnie-Herzégovine s’apprêtaient à faire de même. Bien évidemment, ces tentations indépendantistes s’opposaient au nationalisme serbe, incarné par Slobodan Milosevic, le président de la fédération yougoslave.
Considérant que cette situation menaçait la sécurité du continent européen, la CIA s’y intéressa de près. Seulement, l’agence américaine n’avait pas d’agent sur place susceptible de lui fournir des informations de qualité. Après une rencontre dans le parc de Topcider, à Belgrade, un officier de renseignement américain, William Lofgren, recruta un certain Jovica Stanisic qui n’était autre que le chef des services secrets du président Milosevic.
Ainsi, pendant près de huit années, Stanisic va donner tous les renseignements utiles à la CIA, ce qui lui permettra d’avoir une bonne compréhension des rouages du régime de l’ancien dirigeant serbe. En outre, la « taupe » aurait permis de localiser des fosses communes, qui sont les preuves des exactions commises par les bélligérants et de faciliter l’implantation de bases secrètes américaines en Bosnie.
Par ailleurs, Stanisic aurait également joué un role dans la libération de soldats de l’Otan pris en otage en 1995 et qui devaient servir de bouclier humain lors des bombardements alliés, ainsi que dans celle des deux aviateurs français abattus à bord de leur Mirage 2000 au-dessus de Pale et faits prisonniers par les Serbes de Bosnie. Toujours selon la CIA, il serait aussi intervenu, en 1993, auprès de Ratko Mladic pour qu’il cesse le pilonnage de Sarajevo.
Seulement, Stanisic, en raison des fonctions qu’il occupait au sein du régime de Milosevic, a été inculpé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour les guerres de Croatie (1991-1995) et de Bosnie-Herzégovine (1992-1995). Celui qui n’a jamais accepté d’argent de la part de la CIA pour les informations et l’aide qu’il lui fournissait risque ainsi la prison à vie.
C’est donc pour tenter d’y échapper que Stanisic a fait appel à l’agence américaine pour témoigner en sa faveur. Chose qu’elle a faite, en envoyant au tribunal un document confidentiel détaillant toutes les actions accomplies par son ancien contact ainsi que le rôle qu’il a pu jouer en faveur de la résolution du conflit, notamment lors de l’application des accords de Dayton, qui ont mis un terme aux hotilités en Bosnie.
Pour William Logfren, son officier traitant, il s’agit pour la CIA de démontrer « que celui qu’on présente comme un personnage diabolique a fait un bon nombre de bonnes choses.
Malade et dépressif, Jovica Stanisic est actuellement soigné dans un hôpital militaire à Belgrade. En liberté provisoire, il aurait dû comparaître à son procès le 17 mars 2008. Mais son état de santé n’a pas rendu possible la tenue de la première audience.