Des vétérans des essais nucléaires français en justice

De 1960 à 1996, la France a procédé à 210 essais nucléaires – dont une cinquantaine en atmosphère – en Algérie, puis en Polynésie, sur les atolls inhabités de Mururoa et de Fangataufa.

Or, depuis quelques années, des vétérans de ces essais se sont regroupés au sein d’une association, l’AVEN, pour demander qu’une enquête portant sur les conséquences sanitaires de ces essais soit ouverte. Il semblerait en effet que de nombreux personnels, parmi les 100.000 ayant travaillé sur les sites sahariens et polynésiens, soient atteints de maladies dites « radio-induites » liées à la radioactivité à laquelle ils ont été soumis.

Depuis 1995, près de 355 demandes de pensions militaires d’invalidité ont été déposées par des anciens ayant participé de près ou de loin aux essais nucléaires français.

Le seuil à partir duquel des mesures sont prises pour évacuer la population lors d’un incident nucléaire étant de 50 millisieverts (mSv), le ministère de la Défense estime qu’une centaine de personnes auraient reçu des doses supérieures à ce taux, selon les mesures qui ont été faites grâce aux dosimètres fournis à chaque personnels des sites concernés.

Il est cependant difficile d’établir une relation de cause à effet entre une pathologie et les conséquences d’une exposition aux radiations dégagées lors d’un essai nucléaire. En 1962, deux ministres assistèrent à l’un d’entre eux en Algérie. Ainsi, Gaston Palewski, en charge de la Recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, est mort en 1984 des suites d’une leucémie qu’il attribuait à l’irradiation qu’il aurait subi. A contrario, Pierre Messmer, alors ministre des Armées, qui étaient aux côtés de Gaston Palewski, décédé en 2007, n’a jamais connu de problèmes de santé en lien avec l’essai auquel il avait été convié.

En 2006, une enquête épidémiologique menée par Florent de Vathaire, de l’Inserm, et portant sur les essais nucléaires réalisés en Polynésie de 1969 à 1996, avait conclu à l’existence d’une relation de cause à effet sur l’augmentation de cancers de la thyroïde. « Nous confirmons que nous avons établi entre les retombées dues aux essais nucléaires réalisés par la France et le risque ultérieur de cancer de la thyroïde. Ce lien explique un faible nombre de cancers thyroïdiens mais il est significatif », expliquait à l’époque le chercheur.

Aux Etats-Unis, une loi, adoptée en 1988 et revue en 2001, permet d’indemniser tout vétéran atteint d’une des 18 pathologies reconnues pouvant avoir été provoquée par une irradiation due à des essais nucléaires.

En France, le ministre de la Défense, Hervé Morin, a annoncé, en novembre 2008, l’adoption d’une loi établissant les maladies liées à la radioactivité au début de cette année, tout en promettant qu’il ne ferait pas appel si la justice condamnerait l’Etat à indemniser d’éventuelles victimes de pathologies susceptibles d’avoir un rapport avec les essais nucléaires.

Seulement, la loi se fait attendre et c’est pour cette raison que douze anciens militaires atteints de maladies graves, vraisemblablement dues aux radiations auxquelles ils auraient été exposés lors d’essais réalisés en Algérie pendant les années 1960, ont saisi la cour d’appel de Paris, le 26 février dernier, afin d’obtenir de l’Etat une indemnisation.

Les plaignants avaient été déboutés une première fois par des cours régionales des pensions militaires et de la Commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales (Civi) de Paris. Ces dernières avaient considéré que les liens entre la maladie et les essais nucléaires n’étaient pas avérés ou que leur indemnisation n’était pas possible en raison de l’ancienneté des faits.

« Les plaignants attendent la reconnaissance du fait que les maladies dont ils souffrent aujourd’hui sont la conséquence des essais nucléaires », a dit avant l’audience Me Jean-Paul Teissonnière, avocat des douzes vétérans. « Il est tout à fait important que la justice dise que l’Etat, ou en tous cas ceux qui étaient chargés d’organiser la sécurité autour des tirs nucléaires, n’ont pas rempli leur devoir et leur mission, qu’il y a eu des fautes de négligence et d’imprudence », a-t-il encore ajouté.

Pour en savoir plus : Les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 (Rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, 2001)

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