L’accord de sécurité entre l’Irak et les Etats-Unis

Le mandat accordé par l’ONU à la coalition sous commandement américain en Irak expire le 31 décembre prochain. Afin de pouvoir maintenir ses troupes dans le pays après cette date limite, Washington a négocié un accord de sécurité avec Bagdad, appelé « Statut of Forces Agreement » (SOFA).

Après des mois de négociations, que l’Iran a cherché à perturber en soudoyant des députés irakiens, selon les accusations du chef des troupes américaines en Irak, le général Odierno, les deux parties ont fini par accepter un texte qui prévoie le retrait militaire progressif et total des Etats-Unis d’ici à 2011.

Ainsi, selon ce traité, les forces américaines – environ 150.000 hommes – seront placées sous l’autorité du gouvernement irakien. Ce qui signifie que les raids antiterroristes qu’elles mèneront seront soumis à l’approbation d’un magistrat local. Puis, progressivement, les 400 bases qu’elles occupent actuellement seront restituées au gouvernement irakien, jusqu’à leur retrait total à la fin de l’année 2011.

Point litigieux pendant les négociations, les soldats américains ne jouiront pas d’une immunité totale. Dans le cas où l’un d’entre eux serait suspecté d’avoir commis un crime, un comité conjoint devra déterminer si il est passible – ou non – des tribunaux irakiens.

Par ailleurs, la centaine de sociétés privées de sécurité présentes en Irak perdront toute immunité dès l’entrée en vigueur de l’accord. Elles devront ainsi se soumettre aux codes civils et criminels, ainsi qu’aux procédures judicaires irakiennes. Ces entreprises emploient dans le pays près de 163.000 personnes (dont 17% d’Américains et 49% d’Irakiens) pour notamment des missions de protection rapprochées de personnalités. L’une d’entre-elles, Blackwater, avaient défrayé la chronique en septembre 2007 pour son implication dans la mort de 17 civils.

En outre, les 16.000 dossiers de l’armée américaine concernant des détenus irakiens seront remis aux autorités judiciaires locales afin qu’elles puissent instruire – le cas échéant – leur procés.

Cependant, et malgré les concessions américaines, ce traité ne fait pas l’unanimité en Irak, notamment auprès des partisans du leader chiite radical, l’imam Moktada Sadr. Ce dernier a en effet appelé à « faire échec » à ce traité, qu’il a qualifié de « farce ».

Bien évidemment, cet accord, qui devra être approuvé par le parlement irakien, n’empêchera pas Barack Obama, le futur locataire de la Maison Blanche, d’accélérer le mouvement de retrait des troupes américaines et d’honorer ainsi une promesse de campagne. Seulement, deux éléments pourraient bien compliquer la donne.

Le premier a été avancé par le ministre irakien de la Défense, Abdelkader Jassem al-Obeidi, qui craint l’apparition de la piraterie dans le Golfe persique si les troupes américaines partent trop tôt de son pays. « Les forces de la coalition protègent actuellement le Golfe et notre marine ne recevra ses premiers bateaux qu’en avril 2009. Si elles se retirent précipitamment, notre Golfe deviendra comme le golfe d’Aden » a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse.

Or, la sécurité maritime de cette région est essentielle, du fait qu’elle est une des principales routes d’approvisionnemnt du pétrole, protégée notamment par les marines saoudienne, koweitienne, émiratie, qatarie, omanaise et iranienne.

Par ailleurs, M. Obeidi a également évoqué le risque de voir son pays être l’objet de bombardements plus fréquents – comme ceux opérés par la Turquie contre les bases du PKK au Kurdistan irakien – en cas d’un départ accéléré des troupes américaines. « Aujourd’hui, l’Irak est la cible de bombardements à partir de l’extérieur mais ils sont limités car la coalition représente une force de dissuasion. Si elle n’est plus là, tout le pays risque d’être la cible de tirs », a-t-il affirmé.

Enfin, en dehors de toute considération sécuritaire, le retrait des troupes américaines d’ici à 2011 ne sera pas une sinécure au niveau logistique. Et si Barack Obama décide d’accélerer le mouvement, le rapatriement des 150.000 soldats avec leurs 20.000 véhicules (camion, MRAPs, Humvees, Bradley, Stryker, etc…) en un temps record serait quasiment une mission impossible.

« Nous sommes là-bas depuis 2003 et nous avons beaucoup accumulé » a expliqué à l’AFP le général Charles Anderson, le vice-commandant de l’armée de Terre au Centcom. Pour sa part, le chef d’état-major américain, l’amiral Michael Mullen, a estimé, le 17 novembre dernier, que le retrait de toutes les forces américaines « prendrait deux à trois ans » si toutefois les « conditions de sécurité » ne se dégradent pas.

Interrogé également par l’AFP, un commandant américain présent en Irak a jugé qu’il est impossible de ramener les troupes en moins de deux ans et demi. En 1991, il avait déjà fallu près d’un an pour rapatrier aux Etats-Unis les forces engagées pour libérer le Koweit. Actuellement, il faut environ un mois à l’armée américaine pour assurer la rotation d’une brigade de 3.500 hommes en Irak.

Photo : U.S. Army (Spc. Richard Del Vecchio)

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